Une feuille de match contre la violence
Le Canton et la Ville de Genève ont présenté lundi dix mesures ayant vocation à endiguer la violence dans le football, à l’occasion de la deuxième assemblée des Etats généraux du sport consacrés à cette problématique. Cette feuille de match se découpe en cinq thèmes (formation, charte, gestion du public, communication et management) appelés à circonscrire un phénomène inacceptable. Inacceptable en ce sens que le football n’est pas qu’un simple sport, mais un repère pour tant de juniors et de jeunes adultes. Imaginer dans ce contexte, tel qu’un article de presse l’évoquait en septembre dernier, que des parents puissent suggérer à leur enfant de «casser la jambe» d’un adversaire m’horrifie. Inacceptable aussi si l’on pense au travail exemplaire qu’effectuent toute l’année les actrices et les acteurs, souvent bénévoles, impliqué-e-s dans le football amateur, clubs et arbitres en tête. Savoir que des directeurs de jeu sont les objets de menaces explicites sur et autour des terrains exige une réponse catégorique des autorités sportives et politiques.
Ces Etats généraux ont été lancés conjointement en septembre dernier devant les risques inquiétants d’explosions de violence chaque week-end lors de rencontres de championnat. L’unité affichée alors entre l’Union genevoise des arbitres de football, l’Association cantonale genevoise de football, le département de la cohésion sociale, la Ville de Genève et l’Association des communes genevoises a perduré tout au long du processus. Elle aboutit aujourd’hui à ces réponses concertées, que nous serons chargés de mettre en œuvre. Nous jouons toutes et tous en direction du même but.
Ces dix mesures favorisent la prévention plutôt que la répression. Ce n’est pas un signe de naïveté, mais la preuve que le football est et doit rester un vecteur de cohésion sociale. Et non de fracture. Il est en effet temps de revenir à l’essence même de ce sport si populaire. Le plaisir du jeu, l’action collective, les schémas tactiques. Ce pourquoi les jeunes et les adultes enfilent un maillot et leurs crampons chaque semaine. L’élaboration d’une charte du fair-play et de bonne conduite ainsi que la création d’un module de formation à la médiation destiné aux entraîneur/euse/s et aux arbitres sont à lire dans cet esprit.
Toutefois, pour garantir ce droit au sport pour toutes et tous, petits et grands, je veux rappeler combien il nous incombe d’être intraitables avec ceux qui nous écartent de l’essentiel. Ni la violence, ni les menaces n’ont leur place dans le sport. Les sanctions, lorsqu’elles sont nécessaires, continueront d’être appliquées sans hésitation par les instances cantonales du football et les clubs. A ce titre, la rédaction d’un règlement cantonal est à comprendre, notamment, comme un levier qui pourrait conditionner les subventions versées aux clubs. En parallèle, la mise à disposition de terrains doit être réservée aux associations qui rejettent sans ambiguïté les mauvais comportements. S’il prône, il est vrai, la participation plus que le résultat, l’Etat, en tant que garant de la sécurité des habitant-e-s, ne peut se satisfaire d’une défaite dans ce match face à la violence.
Notre époque, marquée par la culture de la performance, a parfois tendance à considérer le fair-play comme une belle valeur certes, mais désuète. Il serait en contradiction avec la quête de la victoire, pour laquelle tous les moyens sont bons. Pire, tous les coups seraient permis. Cette réflexion implique que nous travaillions aussi sur les consciences. Les partenaires des Etats généraux ont relevé le peu de messages positifs en bordure de stades ou dans les vestiaires. Par sa volonté de promouvoir l’exemplarité dans le sport, le Canton entend jouer dans l’axe et mènera une campagne forte de communication, qui célèbre le beau geste et la sportivité. Les dix mesures prises seront déployées sans attendre, certaines n’arrivant à maturité probablement qu’au bout de plusieurs mois. C’est par ce travail collectif et engagé que nous apporterons la réponse que les amoureux du football attendent.
Thierry Apothéloz est conseiller d’Etat en charge du Département de la cohésion sociale, Genève.