Quand le sage montre le yacht…
Les milliardaires aiment la Suisse, et elle le leur rend bien. Lundi, une enquête de la rédaction Tamedia livrait des chiffres parlants sur les failles dans le calcul des forfaits fiscaux dont bénéficient certains riches contribuables étrangers. Il est des cas où le montant payé représente 0,025% du patrimoine. Tout citoyen imposé normalement saura apprécier pareil taux d’effort. Contrairement à ce qui ressort des discours officiels, relèvent les journalistes, le traitement de faveur réservé aux forfaitaires enfreint les règles fixées par la Confédération. Ils se basent sur des données livrées par Berne, mais tous les cantons assumant cette pratique sont visés. Et parmi les régions qui profitent le plus des forfaits fiscaux, on trouve Vaud et Genève.
Le dumping fiscal n’est pas une nouveauté en Suisse. L’entorse des cantons aux indications de la Confédération, en revanche, est une donne qui aurait peut-être infléchi le vote de 2014 sur les forfaits, refusé par près de 60% des votants. Les milliardaires en question devraient être imposés selon leurs dépenses dans le monde entier; l’administration fiscale devrait prendre en compte yachts, chevaux de course, jets privés et autres maisons secondaires – pour peu que les forfaitaires résident réellement à l’année en Suisse, ce dont on a pu douter par exemple dans le cas de Johnny Halliday et de son chalet à Gstaadt. Et non se contenter du «plus modeste» train de vie déployé en Suisse.
Cette directive aurait échappé à Berne, qui a largement sous-estimé les montants à taxer. A ce niveau, la question se pose: les administrations ne devancent-elles pas les attentes des riches contribuables pour les maintenir sur leur territoire? Ne s’agit-il pas d’une fraude institutionnalisée?
L’égalité devant l’impôt devrait être un droit élémentaire. Notre pays préfère laisser une poignée d’ultra-riches se payer des yachts à plusieurs dizaines de millions de francs, puis laisser la population locale se débattre avec des coupes dans les prestations sociales, en piétinant allègrement tout principe d’équité fiscale.