Édito

Tournant ou rééquilibrage?

Tournant ou  rééquilibrage?
La démocrate Nancy Pelosi. EPA/ERIK S. LESSER
États-Unis

Depuis jeudi, la démocrate Nancy Pelosi est à nouveau à la tête de la Chambre des représentants du Congrès étasunien. Elle avait occupé ce poste entre 2007 et 2011, première femme élue par ses pairs à cette haute fonction qui fait d’elle le troisième personnage de l’Etat après le président et le vice-président.

Du côté des bonnes nouvelles, cette élection signifie un rééquilibrage du système politique étasunien sérieusement ébranlé par la comète Trump et, plus largement, par une dérive vers l’extrême droite du camp républicain: elle est le fruit des midterms où les démocrates ont repris la majorité à la Chambre basse. Le fameux checks and balance (équilibre des pouvoirs) voulu par les pères fondateurs retrouve un peu de ses couleurs.

En revanche, c’est aussi la vieille garde du Parti démocrate qui reste aux affaires avec Nancy Pelosi, celle des apparatchiks dans un système où les charges électives obéissent volontiers à des logiques héréditaires. Agée de 78 ans, elle occupe son poste de parlementaire depuis trente et un ans.

La petite fronde de l’aile gauche du parti – le camp de Bernie Sanders – a rapidement été matée. Et pour cause. L’élection de nouvelles figures de gauche comme Alexandria Ocasio-Cortez, à New York, sont un peu l’arbre qui cache la forêt. Il s’agit d’une redistribution à l’interne du parti à l’âne dans une circonscription largement acquise. La victoire des démocrates – qui, outre la reprise de la majorité à la Chambre des représentants, ont remporté sept postes de gouverneurs et 300 sièges dans les parlements des Etats – s’est faite au centre. L’aile gauche n’a pas pesé. Et il n’y a pas eu d’«effet Bernie Sanders» avec un glissement du centre de gravité électoral, comme cela s’est produit au sein de la famille républicaine avec la création du Tea Party.

La tectonique électorale évolue à sens unique, vers la droite. Mais on reste là dans une pure logique d’arithmétique électorale. L’échec de la candidature d’Hillary Clinton fut bien celui d’une absence de projet politique et de perspectives pour les revenus modestes ou normaux. Voire d’un rejet de celle qui était tout de même adoubée par Wall Street. Si le Parti démocrate ne parvient pas à élaborer un programme mettant en avant la justice fiscale et sociale – ce que propose la tendance socialiste de Bernie Sanders au sein du bloc démocrate –, les républicains sont loin d’être défaits. Ce n’est sans doute pas un hasard, au-delà des rodomontades habituelles du président orange, que Donald Trump ait salué l’arrivée de Mme Pelosi à la tête de la Chambre basse.

Les vrais tournants sont à venir: quel sort le groupe dit progressiste réservera-t-il au Green Deal? Et comment le très imparfait Obamacare (socialisation des coûts de la santé pour les défavorisés) sera-t-il défendu et amélioré? Finalement, les perspectives se ressemblent de part et d’autre de l’Atlantique: toutes proportions gardées, ces enjeux sont aussi mis sur le tapis par les «gilets jaunes» français.

Opinions Édito Philippe Bach États-Unis

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