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Les bases d’un vote électronique sécurisé et démocratique

Alexis Roussel et Grégoire Barbey déplorent l’abandon par le canton de Genève de son système de votation électronique CHVote, annoncé pour février 2020.
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On ne pouvait pas imaginer un scénario plus catastrophique. Après avoir développé et expérimenté depuis quinze ans le vote électronique, le Conseil d’Etat genevois a décidé d’y mettre un terme1>Cf. M. Jaquet, «Genève renonce au vote électronique ‘maison’», Le Courrier du 29 novembre 2018.. Le site CHVote restera opérationnel jusqu’en 2020, puis le canton devra ensuite se tourner vers une solution externe. La raison principale? Les coûts de mise à niveau pour respecter les normes édictées par le Conseil fédéral, soit 2,6 millions de francs. Il s’agit donc d’un investissement mineur au regard d’un canton comme Genève. Mais le Conseil d’Etat regrette l’absence de soutien financier d’autres cantons. C’est donc vraisemblablement la solution de La Poste, qui en fait s’appuie sur l’infrastructure d’une société internationale nommée Scytl, qui sera utilisée.

Genève jette ainsi quinze ans d’expérience et de compétences à la poubelle, pour des questions d’argent! Certes, le vote électronique de l’Etat de Genève n’était pas parfait. Le système zurichois a également été abandonné pour des considérations financières. Derrière ce choix, se cache une obligation d’investir pour atteindre des obligations fédérales toujours plus exigeantes, notamment le respect du principe de «vérifiabilité». L’électeur doit pouvoir vérifier que son vote a bien été pris en compte sans qu’il puisse le révéler à des tiers, pour le vendre par exemple. Intégrer la vérifiabilité est un casse-tête technique pour les systèmes existants. Des investissements supplémentaires s’imposaient donc pour travailler à l’évolution des infrastructures de vote. Le canton avait déjà fait la démonstration de sa capacité à changer sa vision sur ce dossier en publiant une partie du code source de son infrastructure. De tous les systèmes existant dans le monde, il était celui qui disposait des conditions lui permettant d’évoluer.

Ce choix peut paraître aux premiers abords une évidence budgétaire. Les coûts de tels développement seraient trop élevés face aux retombées presque nulles. Le vote par correspondance ayant déjà répondu au besoin de faire augmenter le taux de participation, les investissements dans le vote électronique ne paraissent pas rentables.

Il est tout à fait possible d’envisager un vote électronique citoyen qui respecte l’ensemble des exigences. Mais il est nécessaire de dépasser l’approche actuelle, celle de la centralisation de l’infrastructure. Aujourd’hui, on vote sur les serveurs du canton, demain l’on votera sur les serveurs de La Poste. L’approche est centralisée, et quels que soient les contrôles en place, la suspicion l’emportera toujours vis-à-vis de l’institution qui détient l’infrastructure du vote.

L’avenir du vote passe par la création d’une infrastructure ouverte de vote électronique qui ne serait détenue ni gérée par personne. C’est la voie de la décentralisation. Le vote électronique doit encore largement évoluer, ainsi que les perceptions qui l’entourent. Ce qui est indispensable, c’est que l’Etat puisse contrôler le processus de vote, pour en garantir l’intégrité. Les citoyens aussi doivent pouvoir faire cet exercice, de la même manière qu’ils le font via les votes traditionnels. Le rôle de l’Etat doit se limiter à gérer le registre électoral, choisir la plateforme ouverte de vote, indiquer le «lieu» du vote et publier les résultats.

Le vote électronique doit subir la même évolution que le vote classique. Il doit être apprivoisé par les citoyens à travers l’éducation, la politique, la vie associative. Les élections dans les classes d’écoles sont bien là pour apprendre le déroulement d’un vote. Il doit en aller de même avec le vote électronique. Ce n’est qu’en conscientisant le processus du vote électronique que l’on peut en faire un instrument important de notre société démocratique. Le vote électronique genevois était sur cette voie. Et ce coût-là n’est pas pris en compte. Il y a eu un énorme travail fait pour intégrer le vote électronique dans le quotidien des votations. Le président du Conseil d’Etat Antonio Hodgers a estimé en conférence de presse que les Genevois n’avaient pas à supporter tous ces investissements. Peut-être qu’il serait opportun de leur poser la question, eux qui avaient accepté à plus de 70% en 2009 un amendement constitutionnel permettant le vote électronique.

Notes[+]

Alexis Roussel est le fondateur de l’entreprise Bity et a été président du Parti pirate suisse.

Grégoire Barbey est journaliste et l’auteur de la pétition «Ne cédons pas le vote électronique genevois à une entreprise privée!».

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