Défaite de l’UDC, victoire des lobbies
Dimanche, l’heure était au soulagement. L’UDC a bu la tasse. Son initiative dite «pour l’autodétermination» a été rejetée par 66% des votants, un taux bien plus net que celui prédit par les sondages. L’union sacrée entre la gauche et le reste du camp bourgeois a fonctionné. L’UDC n’a pas réussi à convaincre au-delà de son électorat habituel.
Ce qui est une bonne nouvelle pour la Suisse: le Heidiland médiéval avec des braves serfs obéissants qui n’osent pas regarder leur patron dans les yeux ne séduit plus autant. De là à prédire un déclin de la formation blochérienne comme le font certains, il importe de rester prudent. Pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que le souverainisme d’extrême droite séduit largement dans le monde, de Trump à Orban, en passant par Bolsonaro, sans oublier les brexiters.
Ensuite, en raison du poids des lobbies. Ce sont eux, les vrais gagnants du scrutin de dimanche. Certes, ils ont su préserver une Suisse un minimum respectueuse des droits fondamentaux, mais ils se sont surtout battus pour une ouverture économique garante d’accès aux marchés. Les libertés publiques ont bon dos si l’on considère le second objet mis en votation. Près de 65% des votants ont décidé de laisser la bride sur le cou des assurances sociales. Un terroriste aura droit à davantage de garanties juridiques qu’une personne en détresse psychique suspectée de tirer au flanc.
Un échec, et de taille, pour la gauche et les syndicats qui n’ont pas su se faire entendre et qui ne s’en sont sans doute pas donné suffisamment les moyens. Il conviendra d’être vigilants face aux excès annoncés de ce flicage des assurés sociaux. Le Conseil fédéral, Alain Berset en tête, a fait des promesses; quant à une mise en œuvre de cette loi respectueuse de la sphère privée. Gageons qu’il faudra rapidement les lui rappeler. Les assurances sont prêtes à tout, c’est même à cela qu’on les reconnaît.
Et surtout il convient de ne pas se faire trop d’illusions sur la possibilité d’invoquer cette transparence accrue pour exiger la même rigueur dans le cadre d’autres luttes contre la fraude. Par exemple fiscale. Les mêmes qui invoquent la bouche en cœur les vertus de cette législation au nom de la préservation des intérêts du contribuables mettront les pieds au mur lorsqu’il sera question de surveiller un peu la vraie triche, celle des combines qui permettent d’éluder l’impôt, le scandale des forfaits fiscaux et la désastreuse concurrence entre cantons pour attirer les hauts revenus.
La fraude fiscale liée au secret bancaire coûte quelque 20 milliards de francs par an aux caisses publiques (15% du PIB suisse) ; l’espionnage des assurés a rapporté moins de 20 millions de francs l’an passé. Cherchez l’erreur. Ce week-end, une catastrophe a été évitée. Mais rien ou presque n’a été gagné.