Édito

La santé au prix du luxe

La santé au prix du luxe
Photo d'illustration. KEYSTONE
Santé

L’étude sur les revenus des médecins suisses publiée lundi met en lumière un aspect du dysfonctionnement de notre système de santé: les revenus indécents de certains praticiens. Alors que la «responsabilisation» – soit la culpabilisation – des patients est matraquée dans la «croisade» de la baisse des coûts, ce rapport nous rappelle que la population est surtout le dindon de la farce de ce marché qui pèse des milliards.

Nous répétons souvent que la pharma engrange des bénéfices extraordinaires en vendant ses médicaments beaucoup plus chers que dans les pays voisins. Que les caisses maladies accumulent d’immenses réserves et payent grassement leurs dirigeants, lobbyistes et autres politiciens aux ordres. On nous confirme désormais que les médecins, particulièrement les indépendants, encaissent des revenus faramineux. Bien sûr, les docteurs ont suivi de longues études et assument de grandes responsabilités. Bien sûr, certaines spécialités sont moins rémunérées que d’autres, comme la médecine de premier recours, dont le rôle est primordial. Il n’empêche. Comment justifier les revenus médians des neurochirurgiens ou des gastro-entérologues, qui s’élèvent à 697 000 et 627 000 francs par an?

On ne parle pas ici de produits de luxe. Mais de santé. De vie ou de mort dans les cas les plus graves. Lorsqu’on est malade, on n’a d’autre choix que se soigner. Prosaïquement: c’est paye ou crève! Dans les pays développés, les assurances sont là pour que cette dichotomie ne soit pas une réalité. Notre système de santé le permet, certes. Mais il est aussi devenu une des principales causes de paupérisation des citoyens-assurés qui le payent. Les professionnels, eux, en tirent de larges bénéfices. Le haut de la pyramide du moins.

Le maintien du caractère libéral de l’exercice de la médecine est défendu mordicus par ses acteurs. Et, de plus, promu par les cliniques et centres privés, qui ne cessent de nous rabâcher que c’est l’Hôpital public qui coûte cher. Pourtant, le rapport en question montre que les médecins salariés gagnent beaucoup moins que les indépendants… Sans pour autant être à plaindre. En moyenne, ils touchent 227 000 francs par an, selon l’étude. Alors que le salaire médian suisse s’élève à 6500 francs bruts par mois (78 000, si on multiplie la somme par 12).

Le système Tarmed devait uniformiser la tarification médicale, la rendre plus transparente et ainsi mieux la contrôler. Le constat est à l’échec. Il est temps d’intervenir. Que l’Etat prenne réellement la main sur le système de santé. Il ne s’agit là ni d’une position idéologique, ni d’une demande populiste. C’est devenu une nécessité.

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