Édito

Otages des écrans

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Informatique

La décision a été qualifiée d’«historique». On a surtout envie de dire: ce n’est pas trop tôt! Pour la première fois, des entreprises – et pas des moindres –, ont été condamnées pour leur politique d’obsolescence programmée. Les autorités italiennes chargées de la concurrence ont infligé, mercredi, des amendes de 10 et 5 millions d’euros à Apple et Samsung.

Ces géants de la technologie ont, au travers de «mises à jour» de téléphones portables, «provoqué de graves dysfonctionnements et réduit de manière significative les prestations [de leurs propres produits], accélérant de cette manière la substitution de ces derniers». En clair, elles ont sciemment saboté à distance des centaines de millions d’appareils qui fonctionnaient bien afin de pousser leurs utilisateurs à acheter de nouveaux modèles.

Si la somme réclamée peut paraître dérisoire – Apple pèse plus de 1000 milliards en bourse –, cette décision représente un premier pas essentiel. Cela fait déjà des décennies que les consommateurs subissent des produits de plus en plus fragiles, qui doivent être remplacés trop rapidement, faute de pouvoir réparer ou remplacer certaines pièces. Aujourd’hui, ces quasi-monopoles vont donc encore plus loin. En parallèle à des stratégies commerciales poussant constamment à acquérir les dernières nouveautés, et à l’utilisation de matériaux à durée de vie limitée donc, les détenteurs de la technologie ne reculent devant rien pour refourguer leur prochaine sortie.

Les Etats ont mis trop de temps à réagir. En Suisse, aucune norme ne traite du problème, bien que Berne a annoncé récemment une étude à la suite d’un postulat d’une conseillère nationale. La France a légiféré en 2015. Plusieurs plaintes y ont été déposées depuis. Tout comme aux Etats-Unis, en Corée du Sud ou en Chine.

L’enjeu est incommensurable. Si des résistances sont à saluer – ateliers de réparation, marques «équitables», etc. –, même les plus rétifs aux nouvelles technologies sont contraints de se résoudre à en être captifs. Ordinateurs, smartphones et autres tablettes sont devenus des outils incontournables. Que ce soit pour des démarches légales, des études ou la plupart des professions – dans de très nombreux restaurants votre commande est prise sur un écran!

Ce marché invasif est immense. Et il croît exponentiellement. Qu’on le veuille ou non, nous en sommes désormais otages. Il est ainsi urgent de le réguler. Les maîtres de ce jeu contrôlent le secteur. Il faut les empêcher de, en plus, le manipuler à leur guise.

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