Salaires: une manif avant la grève
Chaque année, les inégalités salariales rapportent des milliards à l’économie, sur le dos des femmes. Demain, une grande manifestation nationale en faveur de l’égalité dira à Berne tout l’écœurement que suscite cette situation intolérable qui perdure depuis… 1981, date de l’inscription dans la Constitution fédérale de l’égalité salariale entre hommes et femmes.
Cette manifestation1, lancée par les milieux syndicaux, des partis et des associations, pourrait être très largement suivie, tant le ras-le-bol est aujourd’hui palpable. Il faut dire que les inégalités salariales sont le baobab qui cache la forêt. En 2016, les rémunérations féminines ont été de 14,6% inférieures à celles de leurs collègues dans le secteur privé, et 12,5% dans le public.
L’Office fédéral des statistiques explique que 60% de ces différences proviennent de facteurs objectifs tels que les interruptions dues à des tâches familiales ou le travail à temps partiel. Explicables peut-être, mais pas pour autant voulues! La réalité est que les femmes continuent à accomplir l’essentiel des tâches ménagères et de care, ce qui prétérite clairement leur emploi. Partant, leur retraite future, leur santé et leur employabilité: quand le travail précaire ne fait que croître en Suisse, comment répondre à l’appel alors qu’on est en charge de parents âgés ou d’enfants encore dépendants? Sans parler des 40% d’écarts restants qui n’ont pas d’autres explications que le délit de genre. Avec quelle image d’elles-mêmes grandissent les petites filles qui savent déjà qu’elles seront moins payées que leur frère?
Dès lundi, le débat sur l’égalité salariale reprend au parlement. Dans la version déjà très affaiblie soumise au Conseil national, seules 1% des entreprises doivent encore analyser leurs salaires. Sans risque de sanctions puisque les Chambres refusent d’inverser la charge de preuve: les entreprises fautives peuvent donc tranquillement rester dans l’illégalité tandis que les femmes continuent à devoir porter plainte – avec tous les risques de mobbing et de licenciement que cela comporte – contre les discriminations salariales dont elles s’estiment victimes.
Non content de laisser faire, le Conseil fédéral en remet une couche: il a mis en consultation un projet où le relèvement de l’âge de la retraite des femmes rapporterait 10 nouveaux milliards, chargés de consolider l’AVS. C’est aussi pour cela qu’elles et ils se mobilisent demain. Et ne lâcheront plus jusqu’à la grande grève féministe de juin 2019.
La manifestation débute à 13h30, à la Schützenmatte, Berne. Trains gratuits aux départs de plusieurs villes. Infos sur les sites des syndicats.