Édito

Monsanto: fini de noyer le poison

Monsanto: fini de noyer le poison
Dewayne Johnson réagit au verdict qui condamne Monsanto à payer 289 millions de dollars. Keystone
Monsanto

Enfin! Après quarante ans de tergiversations, 800 études contradictoires plus ou moins orientées sur la dangerosité du glyphosate, un tribunal de San Francisco a reconnu, sans ambiguïté, sa responsabilité dans le cancer qui a frappé un jardinier californien. Il n’est, hélas, pas du tout sûr que le plaignant vive suffisamment longtemps pour toucher son argent. L’armée d’avocats de Monsanto (racheté par Bayer), qui produit le Roundup, est rodée aux guerres d’usure et à l’art de noyer le poisson. Ou plutôt le poison.

Mais ce jugement fera date. Comme l’a dit l’avocat du plaignant, en prenant l’exemple du tabac et de l’amiante (auxquels on pourrait ajouter les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles), arrive un moment où il n’est plus possible de nier les évidences. La firme étasunienne s’est longtemps crue intouchable. Le monde selon Monsanto, de la réalisatrice Marie-Monique Robin, a montré comment le géant de l’agrochimie a systématiquement infiltré les autorités de contrôles sanitaires, à commencer par la FDA étasunienne, afin de mieux les «enfumer». Et comment il a noyé les études scientifiques indépendantes sous des centaines d’autres, parfois coécrites par ses propres employés sous la signature de scientifiques établis. C’est sur la foi de ces pseudo-preuves que l’Union européenne, et la Suisse derrière elle, ont tardé à légiférer.

Mais la défense de Monsanto se lézarde. Début 2015, se fondant sur des études indépendantes, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré le glyphosate «cancérogène probable pour l’homme 1>Les recherches se focalisent sur le glyphosate. Or certains adjuvants du Roundup (tel le POEA) peuvent être jusqu’à 2000 fois plus toxiques pour certains organismes aquatiques.. A sa suite, l’Union européenne a renouvelé son autorisation en novembre dernier, mais pour cinq ans, au lieu des quinze prévus. Des procédures en justice sont en cours aux Etats-Unis, en France, au Brésil, etc.

Et en Suisse? Au royaume de la chimie, on applique le principe de précaution inversé: en cas de doute, préserver les intérêts des grandes entreprises, au détriment des risques pour la santé des individus.

Le 9 mai, le Conseil fédéral affirmait, sans sourciller, que les résidus de glyphosate retrouvés dans l’assiette du consommateur ne présentaient aucun risque pour sa santé. A l’en croire, comme disait le médecin Paracelse – mais c’était au XVIe siècle! –, «c’est la dose qui fait le poison». Le Conseil fédéral fait mine d’ignorer que les poisons modernes, administrés certes à très faibles doses, à longueur d’année, combinés à des dizaines d’autres substances chimiques, tels les perturbateurs endocriniens, n’en sont pas moins mortels. Et tenus en grande partie responsables de l’épidémie de cancers qui frappe les pays riches.

Il est temps d’en finir avec le Roundup et de tous les herbicides systémiques contenant du glyphosate. L’efficacité même de cette substance, capable de tuer à peu près n’importe quel végétal, devrait nous alerter sur sa dangerosité globale envers le vivant. Il serait tout aussi absurde de chercher à remplacer le Roundup et ses clones par d’autres produits chimiques du même acabit.

L’avenir de l’agriculture est dans la mesure et l’abandon, à terme, de tous les intrants chimiques douteux. A ce titre, l’initiative populaire «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse», déposée en mai, montre la voie à suivre. I

 

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Opinions Édito Philippe Chevalier Monsanto

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