Édito

Écocides: en finir avec l’impunité

Écocides: en finir avec l’impunité
Un habitant de Guanta, dans la région de Lago Agrio, au Nord-Est de Quito, en Equateur, montre un papillon tué par le pétrole déversé pendant des dizaines d'années par des entreprises telles que Texaco. KEYSTONE
Pollution

Ceux qui promeuvent et financent des technologies détruisant la biosphère demeurent trop souvent impunis. C’est l’histoire éternelle de l’intérêt de quelques multinationales contre celui de l’environnement et des droits humains. Il manque un maillon au niveau de la justice internationale, qui sanctionne l’anéantissement assumé de ce qui est nécessaire à l’humanité pour exister. On parle dans ces cas d’écocide.

Le terme a été lancé en 1970 par le biologiste étasunien Arthur Galston, pour les ravages de l’agent orange produit par Dow Chemical et Monsanto. Depuis, le principe de l’écocide a fait son chemin tant auprès des ONG soucieuses de la préservation de l’environnement que d’instances juridiques nationales et internationales.

Des juristes comme la Britannique Polly Higgins ou la Française Valérie Cabanes se battent pour que les désastres écologiques soient reconnus comme «crimes contre l’environnement» punissables devant un tribunal international. La Cour pénale internationale tient compte des atteintes délibérées à l’environnement pour appuyer des condamnations de crimes de guerre sans les reconnaître indépendamment d’un conflit. Mais la base légale progresse: l’Inde et la Nouvelle-Zélande ont conféré le statut de personnalité juridique à des écosystèmes afin de mieux les protéger. Enfin, le cas des Pays-Bas a fait grand bruit en 2015: le gouvernement a été condamné par un tribunal de La Haye à réduire de 25% les émissions de gaz à effet de serre du pays sur plainte d’une ONG.

Le cas de Chevron, ex-Texaco, est emblématique de l’écueil principal en la matière: comment juger les transnationales responsables d’écocides? Il aura fallu vingt-cinq ans de procédures judiciaires internationales pour condamner définitivement Chevron à 9,5 milliards de dollars d’amende pour 450 000 hectares imbibés de pétrole brut et de résidus toxiques en Equateur (lire notre article). Oui mais… Une nouvelle procédure au Canada doit décider si la filiale nord-américaine peut être sommée de payer l’amende infligée par la justice équatorienne. Après tant d’années de lutte, ce n’est encore qu’une victoire d’étape. D’où l’intérêt d’une juridiction supranationale indépendante des lobbies. Loin des pactes de libre-échange, qui prônent l’usage de tribunaux arbitraux privés.

Il est temps de reconnaître le caractère criminel d’une politique consciente des dégâts produits, planifiée par certaines firmes. Des entreprises dont certaines ont leur siège en Suisse, où le cadre économique continue de choyer les industries les plus polluantes de la planète: extraction de matières premières, énergies non renouvelables, agro-industrie et tant d’autres.

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