Suisse

Retour à la case «travail forcé»

Retour à la case «travail forcé»
La décision du Tribunal administratif fédéral laisse sans voix les milieux de défense de l’asile. KEYSTONE JEAN-CHRISTOPHE BOTT
Asile

L’Erythrée a une vision particulière du service national, qui peut être militaire ou civil. Comme le relève un rapport de Human Rights Watch1>«Situation des droits humains en Erythrée, soumission à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples», 27 avril 2018, le terme d’«esclavage» serait plus approprié, et même adopté par la Commission d’enquête des Nations Unies sur les droits de l’homme en Erythrée. Comment alors expliquer la décision du Tribunal administratif fédéral (notre édition du 13 juillet) indiquant que «les requérants d’asile érythréens déboutés peuvent être renvoyés en Erythrée même s’ils risquent de se voir appelés au service national après leur retour»?

La situation générale du pays n’est pas au beau fixe: tortures selon sa religion (témoins de Jéhovah, méthodistes et adventistes sont principalement visés), absence d’Etat de droit ou encore pauvreté généralisée font partie des points décriés par les ONG, en plus du service obligatoire pour les hommes et les femmes, qui dure souvent plus d’une décennie. De quoi expliquer qu’en 2017, on dénombrait 21 600 réfugiés érythréens en Suisse, 9300 admissions provisoires et 4500 en cours de procédure. C’est trop, aux yeux de certains. Peu importent les abus du régime d’Isaias Afwerki: poussées par des demandes politiques, nos autorités cherchent à assouplir les renvois dans ce pays. Et à ne pas donner trop de garanties à ses ressortissants sur l’obtention d’un répit estampillé du sceau de l’asile.

Un rapport de la commission de gestion du Conseil national paru en mars atteste que les peines sont prononcées extrajudiciairement et que l’Erythrée n’est pas un Etat de droit. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) reconnaît lui-même qu’il y a un problème sur le service national dans sa durée et pour ses «conditions de vie pénibles». «Diverses sources font état de mauvais traitements et d’abus sexuels.» Au travail forcé s’ajoutent les passages à tabac, des peines d’emprisonnement dans des hangars en zinc brûlants ou glacés ou encore dans des cellules souterraines des mois durant. Mais tout ceci n’est pas «assez généralisé» aux yeux du TAF pour justifier une protection particulière. Cette décision aura une incidence sur de nombreux dossiers et ne pourrait être combattue que devant la Cour européenne des droits de l’homme. Elle laisse sans voix les milieux de défense de l’asile.

Les autorités érythréennes accumulent des promesses sans lendemain, pour une Constitution révisée ou un service national «limité» à dix-huit mois. Elles ont claironné la fin de l’état de guerre avec le voisin éthiopien. Des effets d’annonce qui servent, en Suisse, à justifier le renvoi de requérants déboutés. Et n’empêchent pas ce pays de maintenir le joug sur sa population.

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