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Délit de solidarité: quel but et quelle logique?

«Que l’on cesse de malmener les plus altruistes de nos citoyens!» Jean-René Moret revient sur l’audition judiciaire du pasteur Valley, inquiété pour être venu en aide à un requérant d’asile togolais.
Asile

L’affaire Norbert Valley a été largement couverte et commentée dans les médias. Ce pasteur évangélique a été amendé pour avoir occasionnellement hébergé, nourri et aidé un ami togolais tombé dans l’illégalité. Mais dans tout ceci, il y a un détail qui me chicane, comme disait l’inspecteur Colombo. Le pasteur Valley a été inquiété parce que son ami togolais avait mentionné son nom au cours d’un interrogatoire. Autrement dit, cet ami était aux mains des services de police. Or le site lafree.info publiait récemment une interview de ce Togolais, en marge de la manifestation de soutien à Norbert Valley du 11 avril. Il était toujours présent en Suisse, et toujours en situation illégale. Les autorités n’ont donc pas procédé à son renvoi, alors qu’elles s’étaient saisies de lui.

Peut-être n’en avaient-elles pas les moyens, peut-être se souciaient-elles tout de même du danger encouru par cet homme en cas de renvoi, peut-être n’avaient-elles pas la volonté de le renvoyer pour une raison ou une autre. Quoi qu’il en soit, cela signifie que le pasteur Valley n’a en rien empêché les autorités de mettre fin au séjour illégal de son ami, qu’il n’a pas interféré avec un renvoi souhaité par les autorités. Il n’a pas participé à prolonger une situation illégale, il a simplement fait qu’elle soit moins difficile et plus digne pour celui qui s’y trouvait.

Se pose alors une question qui devient inquiétante: quel est donc le but de le poursuivre, lui et les autres qui sont venus en aide à des migrants en situation irrégulière? Cherche-t-on simplement à rendre un séjour illégal en Suisse le plus précaire possible? Espère-t-on que si l’on mène la vie suffisamment dure aux clandestins, ils passeront tout aussi clandestinement dans un pays voisin moins mesquin, et qu’ainsi on en sera débarrassé à moindre frais? Ou bien, finalement, trouve-t-on qu’un suicide aurait avantageusement réglé la situation?

Chercher une logique à tout ceci mène à des considérations assez sinistres. Mais peut-être n’est-ce pas là la question. Peut-être nos autorités n’agissent-elles pas avec un plan rationnel et délibéré, et s’agit-il plutôt d’un manque de cohérence, d’instances diverses qui agissent chacune de son côté sans grande concertation. On avait vu un cas semblable dans la rocambolesque affaire Flavie Bettex, poursuivie pour avoir pris à son nom le bail d’un appartement pour un ami en situation irrégulière… dont le loyer était payé par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants!

Qu’il s’agisse d’une logique honteuse ou d’une gabegie risible, l’honneur de notre pays aurait tout à gagner à ce que la loi et la pratique distinguent au moins entre ceux qui veulent soustraire un migrant illégal aux contrôles et décisions imposés par la loi et ceux qui se battent simplement pour la survie et la dignité de personnes dont l’illégalité est un état de fait. Et ainsi, que l’on cesse de malmener les plus altruistes de nos citoyens.

L’auteur est pasteur à l’Eglise évangélique de Cologny (GE).

Opinions Agora Jean-René Moret Asile

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