Édito

Tenir bon

Tenir bon
Les journalistes en grève poursuivront leur mouvement jusqu'à mercredi soir minuit. KEYSTONE
Presse romande

C’est une grève qu’il faudra lire entre les lignes. Au café, qui feuillettera aujourd’hui un journal appartenant à Tamedia tiendra entre ses mains une coquille vide élaborée malgré la grève de nombreux employés. Papiers sur le Mondial bloqués dans leur Russie natale, articles en réserve suspendus deux jours de plus, sites web au régime sec. Pour remplir les cases vides, le salut sera venu de l’Agence télégraphique suisse (ATS). Celle-là même qui entrait en grève en février contre les licenciements découlant de la fusion avec l’agence Keystone. Hier, le débrayage tombait en même temps que pleuvaient les millions sur les actionnaires de l’ATS – résultat de la fusion. Tamedia y a empoché 4 millions de francs.

Mais la mort annoncée du Matin a agi comme un électrochoc sur les journalistes. Grève. Le mot peut faire peur, la décision de se lancer était courageuse et mérite d’être saluée. La profession n’est pas habituée à ce type de mesure, les membres d’une rédaction sont dévoués à leur mission première: informer. Pour que nos confrères et consœurs en arrivent à ce point, c’est que l’heure est grave. Les menaces de la direction ont aussitôt suivi. Fin de la «trêve» – qui n’a pas empêché le licenciement de 36 salariés par Tamedia la semaine dernière –, risques sur les emplois, retrait de la convention collective de travail…

La pression est immense. Il s’agira de tenir bon, en un front uni. Chose difficile lorsque les différends entre les titres (voire à l’interne) peuvent diviser et affaiblir le mouvement collectif. Des tensions entretenues par des années de restructurations et d’incertitudes.

L’élan des rédactions qui ont misé sur l’union fait plaisir à voir. Tamedia ne cessera pas pour autant les coups de boutoir à l’encontre de ses propres titres, dont jaillissent à chaque fois des millions de francs en dividendes. Mais il y a fort à parier que, du côté des salariés, le souvenir restera de cet acte qui permet de se réapproprier son outil de travail. D’affirmer aux patrons: vous avez le pouvoir décisionnel mais, sans nous, vous n’avez rien. D’exiger le respect pour des années de service, pour un engagement journalistique qui rend ce métier si particulier. D’obtenir, enfin, un certain répit et l’assurance que ce secteur non dépourvu de moyens (170 millions de bénéfices pour Tamedia en 2017) investisse intelligemment dans la diversité de la presse.

Le tout, bien sûr, soutenu par les acteurs politiques qui ont un rôle important à jouer. Celui de ne pas se cantonner à des déclarations d’intention.

Opinions Société Édito Médias Laura Drompt Presse romande

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