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N’en restera-t-il plus qu’un?

N’en restera-t-il plus qu’un?
Les géants de la presse continuent à sa cannibaliser. KEYSTONE
Presse

Remarque: cet éditorial publié dans notre édition du vendredi 8 juin reprend les principaux éléments du commentaire paru sur le web mercredi 6 juin sous le titre Le Matin paie le prix de l’hégémonie Tamedia.

La décision a été confirmée jeudi: la dernière édition «papier» du Matin paraîtra le samedi 21 juillet. Conséquence: 41 emplois supprimés. Une version web, dont les experts des médias s’accordent déjà pour dire qu’elle sera difficilement rentable, devrait être maintenue, avec une quinzaine de journalistes. Certes, ce titre misait sur des nouvelles people, des articles de boulevard, des photos racoleuses et des publicités aguicheuses. Mais il a permis à des enquêtes de sortir, il a vu passer bien des journalistes de qualité. On ne martèlera jamais assez l’importance de la diversité de la presse et des médias, sous toutes ses formes
Il reste quelques zones d’ombre autour de cette annonce. Comme le rappelle Syndicom, une procédure de conciliation est en cours et l’annonce de licenciements drastiques ou de la fin du titre pourrait s’avérer illégale.

Le Matin, dont la rédaction a été regroupée avec celle de 20 Minutes en janvier, était le seul journal que Tamedia maintenait sous perfusion – il aurait perdu 6 millions de francs en 2017. Toutes les autres marques (le groupe préfère ne pas parler de «titres») sont sommées de réaliser du rendement et voient les licenciements pleuvoir à la moindre perte de vitesse. Cela alors que le groupe réalisait 170 millions de bénéfices l’an dernier, reversant 50 millions de francs à ses actionnaires. Le sursis accordé au quotidien s’expliquerait par les économies d’échelle qu’il permettait pour l’impression des autres titres Tamedia, dont les partiellement fusionnés 24 heures, Tribune de Genève et Matin dimanche. Avec un journal en moins, qui tirait à 38 000 exemplaires, c’est un coup dur pour la rentabilité de la rotative.

Cette décision répond à la stratégie de Tamedia. Le groupe zurichois, qui a marqué son entrée en Suisse romande en 2005 par le lancement du gratuit 20 Minutes, avance ainsi d’un bon pas vers une forme d’hégémonie capitaliste. Débarrassé du Matin, Tamedia pourra concentrer ce qui lui reste de l’ancien empire médiatique d’Edipresse. Et se focaliser sur ses nouvelles activités, plus rentables – notamment sur internet. Un développement symptomatique des groupes qui voient depuis un certain temps les médias comme un moyen de gagner de nouveaux marchés et de diversifier leurs activités avant de tourner le dos aux journaux qui ont nourri leur succès. A l’image même du groupe de la famille Lamunière, qui a lâché ses activités dans les journaux suisses en 2012 et est aujourd’hui partenaire de sites comme Kapaw (production de vidéos sur les réseaux sociaux) ou Qoqa (vente en ligne).

Ne restera-t-il, à terme, plus qu’un seul journal en Suisse romande? Tandis que nous nous posons la question, on constate en tout cas que les géants de la presse continuent à se cannibaliser.

Opinions Société Médias Laura Drompt Presse

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