Chroniques

Le pissenlit et le gendarme

Chroniques de résistance

Voici une jolie, petite et récente histoire qui se déroule dans une prairie de France. Il y a là un pissenlit dont les longues feuilles dentelées tourbillonnent sous l’effet de la brise marine. C’est du plus bel effet, ce d’autant plus que le pissenlit en question n’est pas seul, entouré qu’il est par des centaines, voire des milliers, d’autres pissenlits…

En face de lui, il y a un gendarme qui, malgré son nom, n’est pas très mobile puisque harnaché de pied en cap, casqué, botté, cuirassé comme le robocop qu’il est et muni d’un grand bouclier posé devant lui. Il a de plus un visage couvert par une espèce de groin qui l’empêche de humer l’air doux qui flotte sur la prairie. Et il en va de même avec les centaines d’autres gendarmes qui sont figés comme lui sur une improbable ligne de démarcation.

Entre le pissenlit et le gendarme, il y a du monde, plein de gens de tous âges et de toutes apparences, mais qui arborent toutes et tous de larges sourires et des regards moqueurs. Au son des accordéons et des binious, ils dansent, ils chantent et ils rient.
Les ordres sont les ordres, se dit le gendarme, «on les laisse danser, mais pas passer la ligne»1>Libération du 16 avril 2018. Pourtant, sans doute, aimerait-il lui aussi danser, chanter et rire avec des habits plus légers et amples que son armure qui le fait ressembler aux chevaliers à la triste figure partis à l’époque dans des croisades aussi inutiles qu’infondées.

C’est ainsi que la confrontation non violente entre le pissenlit et le gendarme, entre la vie pleine et entière et l’ordre noir de la mort, rappelle le combat de David contre Goliath, de la douce fragilité contre la brutalité de la force. On sait qui a gagné…
L’histoire que je vous ai contée est bel et bien réelle, elle s’est déroulée le dimanche 15 avril à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Et elle n’est pas finie…

«Les valeurs de fraternité et d’émancipation qui ont porté la ‘passion de Mai’ ont certes disparu de la scène idéologique et médiatique de notre époque triste. Mais c’est simplement que celle-ci ignore que ces valeurs cheminent toujours souterrainement, fabriquant des ‘rhizomes’ toujours plus vivaces et qui préfigurent d’autres avenirs… » nous dit François Gèze, ancien directeur des éditions La Découverte2>Politis, hors-série «Que reste-t-il de Mai 68», février-mars 2018.

*Animateur en éducation populaire.

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lundi 8 janvier 2018

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