Nécessaire remise en question
Les éducateurs des mineurs non accompagnés du canton de Vaud ont eu le courage de se mettre en grève aujourd’hui, pour dénoncer la façon dont ces enfants et adolescents arrivés seuls en Suisse sont pris en charge. Ils dénoncent la fermeture d’un foyer, au moment où ils peuvent enfin souffler après une situation critique au cours de laquelle les moyens étaient largement insuffisants, et entamer un véritable travail d’éducation.
Comment justifier aujourd’hui qu’un jeune entre 12 et 17 ans, après un long chemin migratoire, sans ses parents, ait moins de droits qu’un enfant né en Suisse et placé hors de sa famille? Les éducateurs ont pointé du doigt la différence de prise en charge entre les foyers socio-éducatifs et ceux qui relèvent de l’asile. La seule présence de personnel de sécurité, la nuit, dans les foyers de l’Etablissement vaudois des migrants, en uniforme, avec des armes incapacitantes, est choquante. Elle n’est pas admise pour des jeunes Suisses placés hors de leur famille, qui bénéficient toujours d’un encadrement éducatif. Cette inégalité de traitement contrevient à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant.
Ce problème touche toute la Suisse. A Genève, la Cour des comptes a dévoilé, il y a deux mois, de graves failles dans l’accueil des mineurs non accompagnés (notre édition du 27 février). Et plutôt que de changer la donne, le canton prévoit de construire un nouveau centre avec un taux d’encadrement minimal. La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales a émis des recommandations aux cantons en 2016, en rappelant notamment que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être garanti dans toute décision et que les besoins de protection spécifiques des mineurs non accompagnés doivent être pris en compte.
Les cantons doivent assumer leurs responsabilités en arrêtant de se cacher derrière les chiffres. Avoir le «meilleur taux d’encadrement de Suisse», comme l’a rappelé le conseiller d’Etat vaudois Philippe Leuba du haut de la tribune du Grand Conseil hier, ne suffit pas, d’autant plus lorsque le personnel de sécurité est inclu dans ce taux. Prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est considérer chaque personne, chaque histoire, et proposer un cadre de vie adapté à chacun de ces jeunes. Et les éducateurs n’ont pas les ressources pour y parvenir.
Avec ses revenus bruts qui dépassent de 9,2% le montant budgétisé, le canton de Vaud aurait les moyens de s’occuper décemment de ses enfants migrants. Entendons, aujourd’hui, le cri d’alarme de celles et ceux qui prennent soin d’eux. Ces enfants ont le droit de recevoir une éducation bienveillante et de grandir dignement.