Chroniques

Minable Netanyahou

AU PIED DU MUR

Benyamin Netanyahou est souvent décrit comme un dirigeant qui n’a peur de rien. Rien n’est plus faux: le premier ministre israélien n’est fort qu’avec les faibles, mais il tremble devant ceux qui roulent des mécaniques. Les médias locaux l’appellent «monsieur Zigzag», et ses retournements de veste résultent toujours de la peur, en particulier celle de perdre le pouvoir et de devoir subir les représailles de sa femme, Sarah.

La saga des réfugiés érythréens et sud-soudanais, dont j’ai parlé dans une précédente chronique, nous en donne un dernier exemple. Fin mars, Netanyahou annonce qu’un accord a été signé avec les Nations Unies, selon lequel Israël acceptait de délivrer un permis de séjour à une moitié des refugiés, l’Europe acceptant d’accueillir la seconde moitié. Le 24 mars nous célébrions dans divers rassemblements à travers le pays cette victoire – très partielle – et surtout le recul de Netanyahou.

C’était trop vite oublier de quelle pâte est fait le premier ministre. Moins de vingt-quatre heures plus tard, il faisait machine arrière et annulait l’accord, sous la pression du ministre de l’Education, Naftali Bennett, dirigeant du parti d’extrême droite «Foyer juif», qui menaçait d’inciter la base du Likoud, connue pour ses positions racistes, à se liguer contre son dirigeant.

Le risque réel d’expulsion des réfugiés a poussé plusieurs organisations de défense des droits humains à faire appel à la Cour suprême en invoquant des traités internationaux signés par Israël sur les droits des réfugiés – nombre de ces traités ayant été inspirés par la tragédie des réfugiés juifs avant et après la Seconde Guerre mondiale. «Nous, nous n’avons pas oublié ce que c’est qu’être Juifs» était un de nos slogans au cours des rassemblements contre les expulsions.

C’est à la Cour suprême qu’on a pu mesurer la puanteur sans limite du gouvernement, qui n’a pas hésité à jongler avec des contrevérités flagrantes. Apres avoir assimilé les expulsions à des «départs volontaires», le gouvernement avait déclaré que deux pays – le Rwanda et l’Ouganda – acceptaient de recevoir les réfugiés. Le Rwanda avait alors immédiatement démenti; quelques semaines plus tard, l’Ouganda en faisait de même. Les honorables juges se sont énervés, d’autant que, jouant la montre, la séance avait été repoussée plusieurs fois, à la demande du Parquet.

Celui-ci vient d’abattre sa dernière carte: il a demandé le huis clos – pour des raisons de sécurité nationale évidemment – et sans même la présence des avocats des refugiés. On sait pourtant qu’ils ont parlé d’un «autre pays africain» qui accepterait de recevoir les expulsés, sans mentionner lequel. Les juges n’ont pas su cacher leur scepticisme.

En attendant, la Cour suprême a ordonné la libération des Africains menacés d’expulsion du camp de rétention de Holot, dans le désert du Néguev. Une petite victoire, fragile et très provisoire, puisque la coalition gouvernementale veut voter un amendement à la loi constitutionnelle qui retirerait à la Cour suprême le droit de statuer sur le sort des refugiés. Cet amendement s’inscrit dans une contre-réforme globale, visant à renforcer «le caractère juif» d’Israël au détriment des libertés civiles et des droits fondamentaux. Mais ceci fera l’objet d’une prochaine chronique.

1 «Netanyahou a oublié l’histoire juive, mais pas nous», Le Courrier du 30 janvier 2018.

* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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