Édito

Montrer les muscles, un pari dangereux

Montrer les muscles, un pari dangereux
Dans un déploiement de forces assez ahurissant, plus de 2500 gendarmes ont commencé à évacuer, au cours de la nuit de dimanche à lundi, la «Zone à défendre» (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, à l’ouest du pays. EPA/THIBAULT VANDERMERSCH
France

Alors que la contestation sociale s’amplifie sur de nombreux fronts, le gouvernement français a décidé de montrer ses muscles. Dans un déploiement de forces assez ahurissant, plus de 2500 gendarmes ont commencé à évacuer, au cours de la nuit de dimanche à lundi, la «Zone à défendre» (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, à l’ouest du pays. Des milliers de pandores ont ainsi été envoyé déloger une poignée de «squatteurs», qui ont commis le crime de prétendre à une gestion collective de ces terrains agricoles, où était prévue jusqu’à il y a peu la construction d’un aéroport pour remplacer celui de Nantes. Un projet qui a justement été retiré à la suite d’une longue et intense mobilisation populaire pour défendre ces terres.

Si l’ampleur de l’opération a surpris, celle-ci était annoncée. Le premier ministre Edouard Philippe avait même confirmé son imminence la veille au Parisien. Au cours de cet entretien, le chef du gouvernement a également réaffirmé qu’il ne retirerait pas son plan de réforme de la SNCF et a accusé les grévistes de «maximiser les nuisances pour les usagers». Avant de traiter les étudiants qui bloquent les universités de «militants d’extrême gauche qui viennent perturber les amphis» et de rejeter toute idée de «convergence des luttes». Le message est donc clair. Pour le gouvernement, la contestation n’a pas sa place en France au printemps 2018. Mai 68, c’était il y a 50 ans, et ne se répètera pas maintenant.

La réalité montre pourtant que la colère gronde. Et que les foyers sont nombreux. Moins d’un an après son élection à la présidence, Emmanuel Macron voit sa popularité s’éroder. Plus grand monde ne se laisse berner par cette image «ni de droite ni de gauche» qu’il avait vendu à des médias avides de «nouveauté». Ses réformes libérales sont ainsi de plus en plus contestées.

Face à une opposition grandissante dans la rue, le gouvernement français semble choisir l’option de la force, de tenter d’isoler les secteurs en lutte, pour mieux les mater, en portant l’«ordre» en étendard. Mais le pari est risqué. L’indignation face à ces méthode pourrait au contraire unifier les colères, et au lieu de les éteindre, faire converger les luttes autours de la défense des services et du bien publics.

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