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Grand Conseil: la fin de «l’entre-suisses» en vue?

L’association DPGE saisit l’occasion des prochaines élections cantonales pour rappeler l’enjeu d’une citoyenneté cantonale ouverte aux résidents étrangers. Elle a interpellé tous les candidats au Grand Conseil en ce sens.
Droits politiques

Il y a treize ans, les Genevois mettaient fin à la privation des non-nationaux de tous droits politiques. Dans un canton où les étrangers résidents sont presque aussi nombreux que nos compatriotes, un contresens démocratique prenait fin.

Depuis, ces électeurs restent confinés aux frontières de leur commune, sans même pouvoir s’y porter candidats. N’ayant pu dire mot sur plus d’une centaine d’objets cantonaux les concernant tous, il ne se sont prononcés, à éclipse, que sur moins d’une trentaine d’objets communaux. DPGE, association post-Constituante héritière de coalitions précédentes, a été créée pour mettre fin à ce déficit.

Le 15 avril, les élections cantonales inaugurent un nouveau quinquennat. DPGE saisit l’occasion de rompre avec un déni toujours plus préoccupant et d’aborder l’ère d’une citoyenneté cantonale ouverte aux résidents étrangers. Elle a soumis aux candidat-e-s au Grand Conseil un questionnaire pour publier, avant le scrutin, leur position sur l’extension des droits politiques communaux et cantonaux à la population étrangère.

Le délai de réponse est passé du 15 au 20 mars. Cent soixante deux premiers résultats nominatifs ont été mis à jour de vingt-quatre réponses supplémentaires1>Les réponses sont disponibles sous bit.ly/2pVw9M8.

Ces réponses permettent de départager ceux qui veulent faire avancer la démocratie et les défenseurs du statu quo, voire du recul, et d’évaluer la durée de séjour préalable à l’accès de la citoyenneté à leur proposer.

On peut influer sur la composition du parlement en privilégiant ou écartant tel ou telle candidat-e, et donc utiliser ces résultats pour peser sur les chances d’en finir sur cinq ans avec le déni mentionné, ou au moins d’en avancer le terme.

Nos compatriotes sont invités à les consulter avant de remplir leur enveloppe ou mettre un bulletin dans l’urne.

Les considérations qui suivent, basées sur les statistiques mises à disposition par DPGE2>bit.ly/2GqzA8H, reflètent les positions personnelles de l’auteur. Elles risquent d’être d’autant plus subjectives qu’elles portent sur un échantillon plus réduit de réponses.

Parmi les 30% de réponses, on trouve celles de quelques locomotives de partis et quatorze des trente et un prétendant-e-s au Conseil d’Etat. Aux électeurs de spéculer sur les multiples motivations des abstentionnistes: négligence, désintérêt ou retard à l’allumage. Nous préférons quant à nous tabler sur leur sincérité et savoir à qui on a affaire sur ce sujet trop occulté.

Un fort clivage de participation sépare les listes classées à gauche des autres. Seuls EàG, Verts et PS affichent un taux supérieur à 45%. De taux comparable, les listes «Egalité et Equité» et «Femmes 2018», limitées à 6 ou 7 réponses, risquent d’être privées, quorum oblige, de tout siège. Départager par le vote les candidats de tels groupes serait futile.

A droite et au centre, malgré l’abondance des candidatures, la faible participation, à l’exception notable de Genève en marche (GEM), signe un manque d’intérêt collectif pour l’inclusion démocratique étrangère. Discriminer son vote en fonction des choix nominatifs en devient significatif.

Intervenus tardivement, 44% des Vert’Libéraux marquent leur intérêt pour cette consultation, mais le tri entre partisans et adversaires de l’ouverture aux étrangers d’une liste risquant le zéro député est aussi futile qu’à gauche.

La palette des opinions paraît très variée au PDC et au PLR. Les premiers plébiscitent avec près de 80% l’extension à l’éligibilité communale, alors que les seconds dépassent les 50%. Avec le poids des indécis et celui de GEM, on peut conjecturer que l’éligibilité communale sera aisément acquise au niveau parlementaire, sauf à compter qui s’abstient avec l’UDC, seule formation qui y soit radicalement hostile. La teneur du contre-projet gouvernemental au récent projet de loi d’EàG, prescrivant jusqu’à l’éligibilité cantonale, se dessine sous nos yeux.

La barrière du vote étranger sur le plan cantonal est loin de constituer le repoussoir brandi par six des candidats PLR suivant Pierre Maudet ou Murat Alder, puisque quatre autres rejoignent plutôt les seize des dix-sept PDC et neuf des onze GEM qui y sont favorables. Remarquable, l’opposition au vote cantonal ne rallie que 13% des réponses. Le principal obstacle parlementaire à l’adoption d’un projet de loi transgressant la frontière des droits cantonaux tient à l’intransigeance de ténors radicaux.

Surprise: le délai moyen du séjour en Suisse exigible pour acquérir des droits politiques s’établit bien en dessous des 8 ans actuels: entre 4 et 5 ans, malgré l’inclusion des réponses le repoussant au-delà. Voilà DPGE, partisan d’un abaissement de ce délai, éminemment conforté.

Nous aurons fait l’impossible pour que le public ne se satisfasse pas de pieuses intentions à la marge d’un scrutin où la thématique des droits politiques n’aurait eu aucune part.

Notes[+]

* membre du comité de DPGE (www.dpge.ch).

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