Abbas dit des gros mots, c’est mal…
Le président palestinien, Mahmoud Abbas, se lâche. Ce n’est pas trop tôt, pensent certains. Après avoir souhaité à Donald Trump que «sa maison soit détruite» [expression arabe pour dire «qu’il crève!»], il vient de traiter l’ambassadeur étasunien à Tel Aviv, David Friedman, de «fils de chien». Rarement la politique moyen-orientale n’a connu d’acteur aussi patient – certains diraient même apathique: voilà plus de dix ans qu’on fait patienter le président palestinien dans l’antichambre d’éventuelles négociations… auxquelles tout le monde a cessé de croire depuis belle lurette.
La Maison-Blanche de Donald Trump est choquée, le Département d’Etat s’émeut. «Comment peut-on parler de cette façon?» réagit-on, la bouche pincée. Et pourtant… Ecoutons ce qu’a à dire ledit David Friedman. En mai 2016, ce dernier s’épanchait dans la publication des colons sur «le danger que représente la gauche juive, ces âmes perdues, qui accusent Israël de ne pas faire une paix suicidaire avec d’horribles musulmans radicaux». Quant aux supporters de J Street, l’organisation juive pacifiste étasunienne, il les juge «pires que des kapos», précisant, pour les ignorants qui ne l’auraient pas compris, «ces juifs qui ont livré d’autres juifs aux camps d’extermination nazis».
Entre «fils de chien» et kapo, nombreux sont les Israéliens qui préfèreraient être associés à la gent canine plutôt qu’aux nazis.
Friedman est davantage l’ambassadeur des colons à Washington que l’ambassadeur étasunien à Tel Aviv. C’est d’ailleurs lui qui a tout fait pour transférer l’ambassade à Jérusalem, jetant ainsi un immense pavé dans la mare politique moyen-orientale. Ce personnage est un danger ambulant que l’éditorialiste de Haaretz [quotidien israélien de gauche] n’hésite pas à traiter de fasciste.
La déclaration de Donald Trump sur Jérusalem capitale d’Israël et sa décision (à lui et à Friedman) de transférer l’ambassade dans cette ville justifient amplement les injures de Mahmoud Abbas. Le président palestinien est un homme âgé et, si l’on croit les bruits qui courent, malade. Il ne veut certainement pas entrer dans l’histoire comme étant celui qu’on a roulé pendant dix ans dans la farine et dont la patience – plutôt rare dans le monde politico-diplomatique – a été abusée.
Abbas a – enfin – extériorisé sa colère et utilise des mots peu diplomatiques pour exprimer plus de dix ans de frustrations et d’humiliations. Quant au «manque de retenue» qui offusque les entourages de Trump et de Netanyahou, venant de la bouche de ces deux brutes, c’est presque un compliment. Car ne l’oublions pas, le président palestinien réagissait non à des propos mais à des actes très concrets: colonisation de l’espace, état de siège à Gaza, détentions massives et assassinats de manifestants ou de personnes se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment. Faisons donc la part des choses: Abbas n’a pas été poli; Netanyahou et sa clique sont des criminels de guerre.
* Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).