Édito

Tant qu’on a la santé…

Tant qu'on a la santé...
Les personnes migrantes font les frais de politiques qui serrent la vis pour limiter leurs droits. KEYSTONE
Coûts de la santé

Pour les personnes les plus vulnérables de la société, la précarité ne vient pas seule. Elle amène son corollaire de problèmes, d’angoisses, de paperasse, et de questions, aussi, de la part de l’administration. Une façon de veiller à ce que les aides arrivent entre les mains de qui l’auraient «vraiment» mérité. Mais ces questions, contrôles et discours ont un effet néfaste. On sait désormais que bien des personnes renoncent à l’aide ou aux soins auxquels elles auraient légitimement droit.

L’accès aux soins est révélateur des inégalités dans la société. Faute d’études suffisantes, le nombre de personnes ayant renoncé à des traitements est difficile à évaluer en Suisse. Mais une récente étude genevoise démontre que le phénomène n’est pas rare dans le canton. Les structures en place demeurent insuffisantes. Elles pallient certaines urgences mais ne permettent pas de prendre correctement en charge des cas parfois graves, le suivi de maladies chroniques et psychiques, ou encore de certains accouchements.

Particulièrement touchées, les personnes migrantes avec ou sans papiers font les frais de politiques qui n’ont eu de cesse de serrer la vis pour limiter leurs droits. L’obligation d’avoir une demande de permis en cours pour accéder à certains soins empêche des suivis de grossesse ou de post-partum. La menace de perdre un permis retient bien des familles de faire appel à une aide sociale ou de se tourner vers les services de l’Etat, y compris si tous les voyants sont au rouge, que les emplois précaires ne suffisent pas à vivre et que la santé chancelle. L’inscription à une assurance-maladie – souvent source d’endettement à hauteur de plusieurs dizaines de milliers de francs – est également un obstacle aux soins. On ne parle même pas là des assurances complémentaires, hors de portée pour bon nombre de ces personnes.

Il ne s’agit ici que de la partie visible de l’iceberg, le problème est sous-estimé depuis des décennies et s’aggrave à mesure que les lois se complexifient, qu’on ajoute des conditions pour toucher des aides sociales et que les politiques publiques s’évertuent à en cibler les bénéficiaires. Dans les discours officiels, la chasse aux fraudeurs est souvent mise en avant comme un gage de sérieux, de contrôle des deniers publics. On entend bien moins parler de la recherche des personnes en galère qui ne savent pas qu’elles auraient le droit à une aide, qui ne la demandent pas ou qui ne la reçoivent jamais. Un problème structurel, délétère pour les familles en question mais aussi pour la société qui n’a rien à gagner d’une population en voie de précarisation.

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