Rétropédalage
Sous pression, à quelques semaines des élections cantonales, la cheffe de l’Instruction publique genevoise, Anne Emery-Torracinta, a finalement annoncé l’ouverture d’une enquête indépendante pour faire la lumière sur ce qui s’est passé dans les années 1990 à l’époque où Tariq Ramadan enseignait au collège de Saussure. Dans la Tribune de Genève, quatre anciennes élèves avaient accusé leur ancien professeur d’abus.
Rappelant la présomption d’innocence, la conseillère d’Etat avait eu des mots justes: «compassion», «choquée», «tolérance zéro aujourd’hui». Elle avait ensuite déroulé le catalogue des mesures existantes pour que de telles choses ne passent plus entre les gouttes. Une ligne verte a aussi été ouverte. Mais pas de quoi faire retomber l’émotion et le besoin de comprendre. Car, pour rassurer sur le présent et l’avenir, encore faut-il savoir ce qui a dysfonctionné dans le passé, à quels niveaux, et connaître l’étendue des dégâts.
Le sentiment que l’affaire Ramadan allait, tôt ou tard, exploser dans les mains de la conseillère d’Etat s’est renforcé à chaque nouvelle révélation de la presse. Ainsi, le directeur avait à l’époque été informé des agissements présumés de M. Ramadan à propos d’une élève, sans pourtant donner suite. Et la magistrate en place, Martine Brunschwig Graf, avait été mise au courant de rumeurs. Coup de poing définitif: des cas récents ont eu lieu dans le même collège et une enquête administrative contre un professeur est ouverte.
Ce weekend, quinze féministes et personnalités ont lancé un scud, exigeant la fin de «l’omerta». La réponse? Lundi, la magistrate a esquivé en dénonçant une diffamation et une attaque électoraliste. Surtout, elle a continué à s’enferrer dans une explication légaliste: plus de protagonistes en poste, pas d’enquête administrative possible. Et pourtant, depuis le début de l’affaire, le terrain est essentiellement politique. Voire tout simplement humain.
Sa position n’étant plus tenable, revirement de discours le lendemain à la radio: une enquête externe – mais pas administrative – sera lancée. Faut-il se réjouir de ce rétropédalage? Ou s’attarder sur les dégâts politiques que la magistrate s’inflige en donnant raison à ses détracteurs?
L’essentiel est ailleurs: cette enquête permettra-t-elle d’en savoir plus, notamment si d’autres que le directeur ont fauté à l’époque? Permettra-t-elle de confirmer les accusations relayées par la presse? De découvrir d’autres abus? Ou servira-t-elle à garantir la confiance dans le DIP qui, comme l’affirme sa cheffe, «n’a rien à cacher»?