Déficit annoncé au budget: 48 millions de francs; bénéfice à l’arrivée: 541 millions. Les comptes 2024 de l’Etat de Genève présentés jeudi à la presse et aux partenaires sociaux ont, une nouvelle fois, affiché une insolente santé.
Une partie de ce boni est conjoncturel et tient au report de certains exercices non bouclés des années précédentes. Des secteurs comme le trading de matières premières ont flambé à la suite de l’invasion de l’Ukraine. Cela ne durera pas éternellement, en cela la prudence affichée par le Conseil d’Etat n’est pas que de circonstance.
Reste que, politiquement, ces écarts – des annonces catastrophistes suivies de bonis stratosphériques – ne vont pas sans poser de problèmes. D’autant plus que l’Etat joue à l’Oncle Picsou. Il a ainsi prélevé près de 2% de pouvoir d’achat sur les traitements de la fonction publique en n’indexant pas, ou partiellement, les salaires de ses employé·es. Dans la même veine, les velléités d’augmenter la charge horaire des enseignant·es, par exemple, lui permettent de faire l’économie de la création des postes censés répondre à la progression démographique. Sans parler de sautes d’humeur qui voient le lobby des retraités sanctionné par une suppression de sa subvention pour avoir osé faire de la politique. On dirait du Trump.
A trop répéter la manœuvre, elle finit par se voir. Le concert des partis bourgeois crie au loup lors du débat budgétaire et, une fois les bonis enregistrés, redistribue cet argent via des baisses d’impôts pour sa clientèle.
Cela porte un nom: la relance par l’offre. Un des piliers du néolibéralisme. Dont on sait qu’il ne fait pas sens dans un canton, voire même à un niveau plus élevé, celui de la nation. Les moyens ainsi dégagés ne vont pas à la relance – via la création d’entreprises à même de susciter de nouvelles rentrées fiscales – mais alimentent la spirale spéculative boursière destructrice d’emplois.
Cela se voit d’ailleurs dans le creusement des inégalités qui peuvent se lire dans ces comptes 2024 du canton. Les subventions aux personnes – aides au paiement des primes maladie, aides sociales complémentaires, etc.– ont crû de 1,3 milliard depuis 2019, admet le parti Liberté et justice sociale de Pierre Maudet, qui plaide pour rendre du pouvoir d’achat aux Genevois·es.
Et pour cela, la politique du moins d’impôts ne saurait être une réponse digne de ce nom, car bénéficiant d’abord aux hauts revenus et fortunes. Des mesures comme le salaire minimum, que la droite combat à Berne en tentant d’annuler ce qui a été obtenu au bout du lac par voie d’initiative, sont bien plus efficientes.