Soupçon sur le Gazon
L’utilisation de pneus recyclés, sous forme de petites billes noires, pour garnir les terrains de foot synthétiques – et leur potentiel cancérigène – était inconnue du grand public jusqu’à la récente émission d’Envoyé spécial dédiée à ce sujet. Bien que leur nocivité ne soit pas prouvée scientifiquement, Amsterdam, New York ou la Suède ont décidé de ne plus utiliser ce type de remplissage.
En Suisse aussi la question s’est posée. Les autorités compétentes, qu’il s’agisse de l’Office fédéral de la santé publique ou de l’Association suisse de football, ont estimé que le risque était négligeable. Aujourd’hui cependant, les positions évoluent. A commencer par celles des entreprises elles-mêmes qui ne proposent plus de remplissage à partir de pneus recyclés.
A Genève, les communes sont propriétaires de la plupart des terrains et donc responsables au premier chef de la sécurité de ceux qui les utilisent. Elles ont immédiatement pris la mesure de la situation. D’autant plus qu’il s’agit de football, sport populaire par excellence. Interpellées par leurs communiers, celles qui possèdent encore des surfaces de jeu à base de granulats de pneus recyclés promettent des décisions rapides, quand elles ne sont pas déjà effectives, en vue de changer les revêtements existants au profit de matériaux plus nobles. Il est à parier que la même situation se reproduise ailleurs en Suisse où, selon nos estimations, subsistent une quarantaine de terrains concernés.
Les communes endossent leurs responsabilités, donc. Par pragmatisme, car nul doute que ces terrains-là risquent d’être rapidement délaissés par les amateurs de ballon rond. Mais surtout au nom du principe de précaution, sans attendre une potentielle étude qui, dans quelques années, viendrait peut-être infirmer les prises de position officielles actuelles.
Reste le sentiment d’avoir été floué. Comment a-t-on pu laisser l’industrie automobile «recycler» ses vieux pneus en remplissant des stades de foot? Est-ce bien crédible d’affirmer qu’il n’y a aucun danger à laisser des jeunes, et moins jeunes, jouer sur des terrains renfermant des concentrations de substances infiniment plus élevées que ce qui est toléré pour les jouets? Et que penser de l’impact pour l’environnement des tonnes de ces petites billes noires, ou vertes lorsqu’elles sont enrobées, se retrouvant chaque année dans les champs et les cours d’eau? I