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Supermarché participatif paysan: une nécessité pour nos quartiers

Un supermarché participatif paysan devait voir le jour dans le nouveau quartier des Vergers, à Meyrin, avant que le projet soit éconduit au profit de Migros. Pour René Longet cependant, un tel concept «a pleinement sa place dans nos quartiers urbains».
Genève

A Genève se développe une volonté des consommateurs de mieux pouvoir choisir leur alimentation quotidienne, de savoir d’où elle vient, qui la produit et dans quelles conditions. Cette volonté rejoint celle des producteurs se reconnaissant dans une agriculture durable, locale, résiliente et diversifiée. Sous l’égide du label d’Etat GRTA [pour Genève Région – Terre Avenir], la population urbaine a repris conscience de la valeur de la production agricole locale. Certes, les capacités d’auto-approvisionnement sont variables, allant d’une part très faible de la consommation cantonale pour le lait et la viande, à des proportions bien plus substantielles pour les céréales, les produits maraîchers et le vin. Mais nous tenons à une zone agricole productive, avec des denrées que nous voulons traçables, saines, respectueuses de l’environnement.

Le développement de débouchés assurés à un prix rémunérateur et néanmoins accessible aux consommateurs, la volonté de privilégier le local ont conduit à la revendication de circuits courts, maîtrisés par producteurs et consommateurs ensemble et dans leur avantage commun. A partir des initiatives d’agriculture contractuelle de proximité se sont développés divers projets pionniers et novateurs réalisant ce lien direct, minimisant les marges prises pour la distribution et promouvant une production dans de bonnes conditions économiques, écologiques et sociales.

Assurer l’essor du modèle

Rendre accessible plus largement ce modèle, assurer son essor et sa stabilité économique, le faire vivre auprès des habitant-e-s des quartiers urbains est l’enjeu du supermarché participatif paysan (SPP). Ce concept vise à concrétiser la notion de juste prix à la fois pour les consommateurs et les producteurs, et à incarner le principe du circuit court, constituant par là un modèle de commerce équitable local. De tels projets sont parfaitement conformes à l’esprit et à l’organisation d’écoquartiers et s’y inscrivent logiquement.

Or, Migros Genève, consciente de ces tendances émergentes priorisant la production locale et de qualité, a trouvé à implanter sa première enseigne Voi de Suisse romande dans le lieu même où devait se créer le SPP 1>Lire Eric Lecoultre «Supermarché paysan doublé par Migros», Le Courrier, 27 décembre 2017. Elle s’y est donc substituée, et ceci sur incitation d’une coopérative d’habitation. La tradition et la structure coopératives de cette dernière n’ont pas suffi pour entrer dans une synergie et une interaction positives avec le groupe de projet du SPP, pourtant expression de l’esprit coopératif du monde paysan genevois.

Quant à la coopérative Migros Genève, elle n’a de toute évidence pas consulté ses nombreux «propriétaires», dont elle se réclame dans son actuelle campagne de communication. Et voilà le SPP coiffé au poteau pour une question de gros sous. La déception qui en a résulté s’est toutefois traduite en nouvelles adhésions et nouvelles forces, donnant au SPP une viabilité supplémentaire.

Une stratégie souhaitable

Il est de la responsabilité des distributeurs d’intégrer dans leur assortiment les produits locaux, bio, équitables et de s’en faire les promoteurs. Un bon exemple est la commercialisation par un grand distributeur du lait GRTA. Cette stratégie commerciale souhaitable, pour peu qu’elle corresponde à la garantie d’un juste prix, ne doit cependant pas se faire sur le dos des projets citoyens de circuits courts. Il doit y avoir pluralité et complémentarité des débouchés pour les produits de l’agriculture locale.

La Chambre genevoise de l’Economie sociale et solidaire (ESS) attend des acteurs se réclamant de l’idéal coopératif de collaborer avec les propositions issues d’initiatives citoyennes et de les accueillir favorablement, et soutiendra toute initiative dans ce sens. Quant au SPP, aux dernières nouvelles, il aurait désormais le choix entre trois possibilités d’implantation dans l’écoquartier de Meyrin – toutefois pas dans l’immédiat, les bâtiments n’étant pas encore construits. Une chose est sûre, un concept tel que celui du supermarché participatif paysan a pleinement sa place dans nos quartiers urbains.

Notes[+]

René Longet est membre du comité de la Chambre genevoise de l’Economie sociale et solidaire (ESS).

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