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Remboursement des soins dentaires: une évidence de santé publique

Bernard Borel prend position en faveur de la création d’une caisse publique qui remboursera les frais dentaires.
À votre santé!

Le 4 mars, le peuple vaudois se prononcera sur la création d’une caisse publique qui remboursera les frais dentaires. Peut-on vraiment croire les dentistes qui s’y opposent quand ils affirment «qu’il ne faut pas détruire ce qui fonctionne» ou encore agitent l’argument que «c’est le seul domaine de la santé qui ne voit pas ses charges exploser»?

Actuellement, qu’avons-nous? Des soins dentaires payés directement par les ménages (en moyenne plus de 500 francs/habitant et par année), sauf pour les personnes à l’aide sociale et celles qui reçoivent des prestations complémentaires (AVS ou famille). C’est près de 90% des factures des dentistes qui sont payées directement! Or, les études scientifiques montrent que les déterminants sociaux jouent un rôle important. Dit autrement, à âge constant, on peut savoir, en ouvrant la bouche d’un patient, son statut socio-économique. C’est même si vrai qu’une étude réalisée aux HUG montre que près de 20% des Genevois renoncent ou repoussent un traitement dentaire pour des problèmes de budget, évidemment, et non par peur du dentiste… ce qui risque de rendre le traitement plus cher ensuite! C’est là l’explication de la stagnation des coûts des soins dentaires.

On comprend donc bien que «cela fonctionne» pour ceux qui peuvent payer le prix que les dentistes fixent librement. Et, visiblement, ces derniers sont satisfaits de leur rémunération et ne sont pas à la recherche de clients: il n’y a donc aucune préoccupation de leur part sur la nécessité d’une accessibilité universelle aux soins dentaires. La Société suisse d’odontostomatologie (SSO) a d’ailleurs toujours défendu l’idée de la prévention des caries par la responsabilité individuelle – en se brossant les dents et/ou en assumant l’intégralité des coûts des soins si «négligence» – en niant les déterminants sociaux. Doit-on rappeler que les soins dentaires étaient initialement englobés dans le projet de la LaMal mais qu’à cause du lobbyisme des dentistes, ils en ont été retirés à l’époque?

C’est aussi faire semblant d’ignorer l’importance de la santé dentaire sur la santé générale, en particulier durant l’enfance et le grand âge pour l’aspect nutritionnel, mais aussi dans la prévention de l’athérosclérose avec toutes ses répercussions cardio-vasculaires, par exemple.

Créer une caisse publique, c’est permettre un accès universel aux soins et en répartir le coût sur l’ensemble de la population. C’est donc créer une mutuelle, au niveau d’un canton, comme celles qui ont existé il y a près d’un siècle, pour la maladie. Cela ne coûtera pas plus de 0,5% du revenu disponible d’un salarié et couvrira l’ensemble de sa famille. Cela ne va pas ruiner l’Etat, et, selon les calculs du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS), cela représenterait finalement 30 millions supplémentaires, dont la moitié pourrait être payée par une taxe sur les boissons sucrées que les dentistes ne devraient pas contester! (ni la droite au parlement?).

Ce n’est pas non plus une étatisation des soins dentaires, comme on a pu l’entendre ici ou là, mais une mise en réseau des dentistes et des permanences dentaires existantes pour couvrir l’ensemble du territoire et permettre à chacun un accès proche et facile. Tous les dentistes pourront garder leur clientèle et peut-être l’amplifier, mais ils devront facturer selon un barème négocié avec l’Etat. C’est, en fait, organiser les soins dentaires à l’image des soins généraux. Et personne ne peut prétendre que notre système de santé n’est pas libéral… même si les assurances cherchent inlassablement à le piloter sans accepter la transparence nécessaire à leur crédibilité (mais c’est un autre sujet!).

L’immense majorité de la population sera gagnante. C’est une taxe, oui: mais qui est essentielle pour permettre de répondre à un problème de santé publique. C’est un principe de solidarité qui fait la dignité de nos démocraties et rompt l’égoïsme consumériste qui prétend «ne payer que ce que l’on consomme».

Il faut encore rappeler que l’on ne votera que sur le principe de solidarité et sur les grandes lignes de financement des soins dentaires qui, en cas d’acceptation, nécessiteront une loi d’application proposée par le Conseil d’Etat et approuvée ou amendée par le Grand Conseil.

C’est tout cela qu’il faudra avoir en tête au moment de voter, le 4 mars pour les Vaudois, et plus tard dans les autres cantons romands.

Bernard Borel est pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

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lundi 8 janvier 2018

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