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Des médicaments génériques si sûrs que ça?

Bernard Borel s’interroge sur les dangers des médicaments génériques.
À votre santé!

Le prix des médicaments est souvent cher, trop cher même, surtout en Suisse. C’est pourquoi on encourage fermement les médecins à prescrire dans la mesure du possible, soit à l’expiration du brevet initial, des génériques équivalents à l’original, soumis bien sûr à des contrôles en principe très étroits, et qui sont en général 30% meilleur marché. Helvepharm, un des leaders du marché des génériques, se vante d’offrir une «possibilité intéressante de faire des économies sans devoir renoncer à la qualité ni à l’effort thérapeutique recherché». Il faut dire qu’il n’est pas rare que Swissmedic, l’institut chargé de surveiller le marché des produits thérapeutiques, retire un lot de médicaments parce que le fabricant a trouvé une faille transitoire dans le processus de fabrication – preuve que les contrôles de qualité sont fréquents en Europe et, la plupart du temps, efficaces.

Mais l’histoire récente du Valsartan, un médicament largement prescrit contre l’hypertension, est emblématique du marché du médicament, et du générique en particulier. Cet été, sans grande publicité, les autorités de contrôle de divers pays européens, dont la Suisse, demandent de retirer du marché plusieurs génériques du Valsartan, parce que l’on a trouvé «la présence possible d’une impureté liée à la fabrication du principe actif utilisé produit par la firme chinoise Zhejiang Huahai Pharmaceutical». En y regardant de plus près, on apprend que l’impureté est jugée potentiellement cancérigène pour l’homme et que la contamination du médicament durerait depuis des années. Or c’est bien la dose cumulée qui est dangereuse, c’est dire combien l’histoire est sérieuse.

En Suisse, les principaux fabricants de génériques sont concernés, dont Helvepharm. Malgré son nom «bien de chez nous», la société n’est qu’un maillon de la multinationale Advent et, comme toutes les entreprises, achète le principe actif à Zhejiang Huahai Pharmaceutical. Il faut dire que l’Asie – Chine et Inde en tête – fournit 80% des principes actifs des génériques (mais aussi 50% des princeps – les molécules originales) produits en Europe.

Doit-on rappeler que ce sont ces mêmes pays qui inondent l’Afrique de faux médicaments (pas moins de 30% du marché africain) et qu’ils sont donc directement responsables des décès de patients se comptant par centaines de milliers? C’est dire que les contrôles de qualité sont plus rares et plus aléatoires en Asie qu’en Europe. Mais, comme le rappelle Helvepharm, «l’objectif est d’optimiser les activités des génériques qui sont soumis à une forte pression sur le prix»; d’où la délocalisation de la production!

Le fabricant chinois a en fait modifié le processus de fabrication du Valsartan en 2012, en introduisant le N-nitrosodimethylamine (NDMA), sans en avertir personne et sans que l’on ne s’en rende compte officiellement jusqu’à cet été. Pour que l’alerte soit donnée, il aura donc fallu six ans, pendant lesquels des millions de patients hypertendus ont pris ce médicament – de tels traitements sont toujours au long cours, voire à vie. C’est grave, parce que le NDMA est potentiellement cancérigène et qu’il ne s’agit pas d’un accident conjoncturel de production, mais bien d’un problème structurel de fabrication.

Il est difficilement crédible que les entreprises pharmaceutiques n’aient pas mesuré le risque et, une fois de plus, il semble qu’elles priorisent les gains financiers plutôt que la sécurité de leurs médicaments. Cela révèle aussi que des médicaments dont on croit tous qu’ils sont de bonne fabrication suisse n’échappent pas à la mondialisation et à la fragmentation de leur production, sans contrôle citoyen aucun. Devons-nous proposer à nos autorités d’introduire des étiquettes sur les emballages qui soient plus explicites, comme c’est le cas sur les aliments industriels?

En attendant, si vous prenez un traitement contre l’hypertension, regardez s’il ne contient pas du Valsartan: si oui, ne l’arrêtez pas subitement mais parlez-en à votre médecin rapidement qui saura trouver une alternative. Car rappelez-vous qu’une hypertension négligée est un risque majeur d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’insuffisance cardiaque ou d’infarctus.

Bernard Borel est Pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

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lundi 8 janvier 2018

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