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Honduriens en otage

Honduras

Les autorités du Honduras ont franchi dimanche le Rubicon. Malgré les soupçons de fraude, le Tribunal électoral (TSE) de ce pays centraméricain a déclaré vainqueur de l’élection présidentielle le sortant Juan Orlando Hernández. Après quatre semaines d’incertitudes et de protestations, qui ont coûté la vie à quatorze manifestants, la décision du TSE fait figure de dangereuse fuite en avant. Avec le soutien de la diplomatie européenne, alors même que l’Organisation des Etats américains (OEA) se dit, elle, incapable de valider l’élection.

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Sa mission d’observation, dirigée par le libéral bolivien Tuto Quiroga, avait pourtant mis les moyens: 82 experts de 25 nationalités ont observé le processus et supervisé la vérification des résultats. Au final, elle se voit contrainte de déplorer un scrutin de «faible qualité» et des «doutes non éclaircis».

Parmi les «irrégularités, erreurs et problèmes systémiques observés avant, pendant et après le 26 novembre»1 value="1">Rapports consultables sur www.lecourrier.ch, l’OEA pointe en particulier le système informatique électoral. Modifié à la dernière minute, jamais testé auparavant et peu sécurisé, il s’est opportunément écroulé au moment où les premiers décomptes (64% des PV des locaux de vote) laissaient présager une nette victoire de l’opposant Salvador Nasralla. Quelques heures plus tard, le système redémarrait mais la tendance s’était inversée. Pis, les nouvelles données venaient «écraser» les précédentes, ne laissant aucune marge à la vérification ultérieure. «L’audit n’a pas identifié d’action concrète dans le but d’altérer les résultats, nonobstant, il conclut que le système tel qu’il a été géré n’était pas assez robuste pour l’empêcher»… Pas vu, pas pris?

Mandaté par l’OEA, un politologue étasunien de l’Université de Georgetown cloue le cercueil du TSE: selon ses calculs, la seule variable ayant conduit au changement de tendance n’est ni régionale, ni sociologique mais bien temporelle: les 32% de PV épluchés en dernier – provenant de tout le pays – donnent un vainqueur différent des premiers 68%. Autre différence: la hausse sensible de la participation grâce aux PV tardivement dépouillés…

Peu suspecte de gauchisme – le poids de Washington et des gouvernements latinos de droite y est à nouveau prépondérant – l’OEA, malgré les conclusions de ses experts, pouvait difficilement adouber Salvador Nasralla. Elle appelle donc à un nouveau vote.

Au risque de perdre toute crédibilité, l’UE semble, elle, déterminée à soutenir le poulain dont elle est le plus proche idéologiquement et qui œuvrera au mieux dans l’intérêt de ses entreprises. Une position cynique bien dans l’air du temps de cette Union européenne.

Ses observateurs sauront-ils sortir du rang? A défaut, ils porteront sur leur conscience les morts qui ne tarderont pas à tomber. Car le risque d’une explosion de colère – dans ce pays où le mouvement social paie un lourd tribut à la violence étatique et paraétatique – est bien réel. Bafoué dans ses droits en 2009 par le renversement de «Mel» Zelaya, puis en 2013 lors de l’élection déjà douteuse de M. Hernández, le peuple hondurien se sait l’otage d’une oligarchie qui craint comme la peste de perdre à nouveau les rênes de l’Etat. Et comprend aujourd’hui que les seuls bulletins de vote ne suffiront pas à lui faire lâcher prise. I

 

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