Chroniques

«Frères migrants»

Chronique de résistance

«Frères humains, qui après nous vivez, n’ayez les cœurs contre nous endurcis, car, si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tôt de vous mercis. (…) De notre mal personne ne s’en rie; mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!» C’est un extrait de la Ballade des pendus écrite par François Villon, le poète maudit du 15e siècle.

Plus de 500 ans après, un autre poète, Patrick Chamoiseau, écrit Frères migrants1 value="1">Frères migrants, Patrick Chamoiseau, Seuil, 2017, publié fin mai de cette année au Seuil. Fils spirituel et ami d’Edouard Glissant, lui aussi Martiniquais, Chamoiseau plaide avec vigueur et générosité pour l’accueil et l’hospitalité des réfugiés et des immigrés.

Il était temps que ce genre de grande et belle voix s’élève contre l’infamie meurtrière que les gouvernements européens et l’Union européenne ne cessent de pratiquer pour barrer la route à tous prix aux nouveaux damnés de la terre qui tentent désespérément  de rejoindre l’Europe pour fuir guerres, dictatures, répressions tous azimuts, misère endémique et absence de futur!

Dernièrement encore, le 6 juillet dernier, les ministres de l’Intérieur (les flics en chef donc) de l’Europe se sont réunis à Tallinn (Estonie) pour répondre au SOS de l’Italie qui demandait aux autres gouvernements leur soutien dans l’accueil des migrants (plus de 85 000 cette année sont arrivés sur la Péninsule) alors que plus de 2200 personnes sont décédées en mer.

En fait de soutien, c’est une fin de non recevoir que les ministres en question ont adressé à Rome. Les ports méditerranéens resteront fermés au débarquement des migrants sauvés par les gardes-côtes italiens et les ONG qui patrouillent avec une demi-douzaine de bateaux au large de la Libye. Pire, les flics en chef ont décidé sans rire d’édicter des «règles claires»2 value="2">Voir Le Courrier du 7 juillet 2017 pour ces ONG qui sont priées de naviguer bien plus au large des côtes libyennes car leur trop proche présence crée un «appel d’air». Par ailleurs, ils ont décidé de renforcer leur aide matérielle et financière aux soi-disant gardes-côtes libyens pour les aider à empêcher les migrants de quitter les côtes africaines. Là, le cynisme est à son comble car ces prétendus gardes-côtes libyens ne sont que des forbans issus de certaines milices, arrêtant, rançonnant, violant les réfugiés qui leur tombent dans les mains! Enfin, s’ajoutent des mesures coercitives renforcées pour «obtenir rapidement des résultats tangibles en matière de politique de retour forcé ou volontaire»!  

Ces propositions ont été préparées quelques jours plus tôt par certains ministres dont Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur français, ancien autocratique maire de Lyon et paraît-il socialiste, alors qu’Emmanuel Macron, son patron, pérorait à Bruxelles le 23 juin en déclarant «nous devons accueillir des réfugiés, c’est notre devoir et notre honneur»…

Patrick Chamoiseau termine son ode à la solidarité par une «déclaration des poètes». En voici un extrait pour conclure cette chronique: «Les poètes déclarent que le racisme, la xénophobie, l’indifférence à l’Autre qui vient, qui passe, qui souffre et qui appelle sont des indécences qui dans l’histoire des hommes n’ont ouvert la voie qu’aux exterminations, et donc que de ne pas accueillir, même pour des bonnes raisons, celui qui vient, qui passe, qui souffre et qui appelle est un acte criminel.»

Notes[+]

Opinions Chroniques Bruno Clément

Chronique liée

Chronique de résistance

lundi 8 janvier 2018

Connexion