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Shell sur le banc des accusés

Nigeria

La persévérance finit parfois par payer. L’entreprise pétrolière Shell est ainsi accusée devant la justice des Pays-Bas de complicité dans l’exécution de militants Ogoni au Nigeria en 1995, a révélé Amnesty International.

La «major» a toujours nié son implication dans l’élimination de ceux qui se battaient contre les dégâts causés par la société sur leurs terres. Plus de vingt ans après les faits, elle devra s’en défendre devant un tribunal. Une perspective réjouissante pour la lutte contre l’impunité des crimes commis dans l’intérêt des entreprises et pour la responsabilisation des multinationales quant à l’impact de leurs activités sur les droits humains et l’environnement. L’affaire est d’autant plus intéressante vue de Suisse que des ONG ont déposé une «initiative pour des multinationales responsables» visant à ancrer ces principes concernant les sociétés ayant leur siège sur territoire helvétique dans la Constitution fédérale.

Le cas de Shell au Nigeria est emblématique des pratiques du secteur pétrolier. Les exécutions des neuf militants Ogoni, commises par le régime militaire de Sani Abacha, avaient créé un tollé mondial et mis le pays au ban des nations. Sans entraîner pourtant de réelle condamnation. Et l’entreprise anglo-néerlandaise a poursuivi toutes ces années l’exploitation de ses gisements au Nigeria, principal producteur de pétrole en Afrique mais dont la population figure toujours parmi les plus pauvres du continent.

De plus, malgré les protestations des Chancelleries, de nombreuses autres entreprises pétrolières ont continué à se ruer sur le Nigeria de Sani Abacha – puis de ses successeurs après son décès en juin 1998 – pour arracher leur part du gâteau à coup de commissions occultes de plusieurs millions par concession. Des sommes colossales qui ont souvent atterri sur des comptes en Suisse…

La pratique a été confirmée lors du procès, tenu en France en 2007, contre Dan Etete. Ministre du pétrole d’Abacha, il a été condamné – par contumace – pour avoir perçu des commissions de la part de multinationales actives dans les hydrocarbures. Par contre, comme le notait le media Rue89, les corrupteurs avaient, eux, été épargnés lors de cette instruction.

La procédure a tout de même permis d’entrevoir l’ampleur de la corruption au Nigeria. Entendus par la justice française, Richard Granier Deferre, ancien directeur de la branche nigériane d’Addax, alors filiale du groupe suisse Addax and Oryx Group, a déclaré: «Toutes ces sociétés [Glencore, Vitol, Trafigura, Arcadia]étaient obligées de payer pour avoir accès à ces contrats. Addax a donc payé Dan Etete pour pouvoir obtenir ces contrats. C’était une pratique générale.»

Espérons désormais que le procès de Shell fera la lumière sur l’ensemble des agissements criminels du secteur pétrolier dans certains pays. I

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