Pourquoi pas la corde au cou?
Ca se passe à Lausanne. Le 13 mars dernier, M.J., demandeur d’asile frappé d’une décision de «non-entrée en matière», dans le langage administratif helvétique, pour cause d’empreintes digitales enregistrées en Italie – et donc catalogué «cas Dublin» – était convoqué devant la juridiction de la Justice de Paix pour s’y faire condamner à des «mesures de contrainte» (rétention administrative). Cet «insolent» avait en effet refusé de monter dans un vol à destination de l’Italie, pays dit de premier «accueil».
Cette étape d’une procédure «classique» –si on peut dire… – s’est déroulée d’une manière «particulière». En effet, M.J. était non seulement encadré par des gendarmes, mais avait en plus les mains menottées et les pieds entravés par une chaîne! Cette manière de faire a été justifiée par la porte-parole de la police cantonale vaudoise, Mme Olivia Cutruzzola, en disant qu’«en raison de travaux sur la route, le fourgon de police devait stationner à 100 mètres du tribunal et qu’il fallait éviter les risques de fuite». Ainsi, pendant une marche de 100 mètres, le malheureux M.J. a subi l’humiliation publique de se déplacer devant les passants les chaînes aux pieds comme un dangereux criminel! Les déclarations de la porte-parole sont ahurissantes et affligeantes même dans le cadre de la banalité administrative des déclarations policières! Voilà donc justifié un traitement inhumain et dégradant d’un homme qui, faut-il le rappeler à la maréchaussée, n’a commis aucun délit, mais qui demandait simplement la protection internationale conférée par le droit au refuge… Pourquoi pas la corde au cou la prochaine fois?
Heureusement, cet outrage avilissant a été dénoncé par des militant-e-s qui ont organisé un piquet le 21 mars devant le parlement cantonal1 value="1">Lire Le Courrier du 22 mars 2017.. L’avocat Christophe Tafelmacher a parlé d’un «procédé inacceptable» et le député Jean-Michel Dolivo a déposé une interpellation parlementaire. On attend avec impatience la réponse du gouvernement, sachant que cette méthode moyenâgeuse a été supprimée par le Conseil d’Etat vaudois en 2010 alors qu’il était majoritairement de droite, ce qui n’est pas le cas actuellement…
Le même jour, on apprenait que, le 27 février, un jeune Malien de 20 ans avait été retrouvé carbonisé sur le toit d’un wagon à Balerna (Tessin) et que, le 18 mars, c’était un jeune Camerounais de 22 ans qui avait été électrocuté par la ligne de contact alors qu’il se trouvait, lui aussi, sur le toit d’un wagon, à Chiasso (Tessin).2 value="2">Idem.
Toujours le même jour, l’info est sortie que le Secrétariat d’Etat helvétique aux migrations (SEM) avait organisé le renvoi forcé d’une jeune femme tibétaine de 27 ans – quelle première! – au Népal en lui assurant qu’elle ne courait aucun risque… A peine arrivée à Katmandou, Yangdon Chorasherpa – c’est son nom révélé par son collectif de soutien zurichois – a été arrêtée et elle croupit actuellement dans la prison de Dolakha à 8 heures de route de la capitale3 value="3">Lire le Tages-Anzeiger et 20 Minutes du 22 mars 2017..
Tout cela est donc à vomir et la violence d’Etat ainsi perpétrée contre les réfugiés et les immigrés n’a non seulement aucun début de justification, mais constitue, bout à bout, un crime contre l’humanité!
Il y a heureusement d’autres attitudes pour ne pas désespérer de l’humanité. Ainsi celle de Leoluca Orlando, maire de Palerme (650 000 habitants), en Sicile, réélu quatre fois, qui déclare: «Il faut remercier les migrants parce qu’ils ont donné à l’Europe un visage humain. Il faut les remercier parce qu’ils disent que l’Europe n’est pas l’Europe des banques (…), mais des droits humains (…). Il y a des villes en Europe qui ont peur parce qu’arrivent dix migrants. Les deux dernières années sont arrivés en Sicile 400 000 migrants. On n’a pas vu un seul acte d’intolérance, un seul acte de violence, de racisme (…). Chaque semaine, je vais au port pour accueillir 1000, 2000 migrants (…). Les migrants sont une richesse culturelle!».4 value="4">Lire Archipel, mensuel du Forum civique européen, n° 257, mars 2017. Peut-on suggérer à d’aucuns d’aller en vacances en Sicile cet été?
Notes
* Animateur en éducation populaire.