Chroniques

Le cynisme des repus

Chronique de résistance

Le mardi 27 septembre 2016 a été un jour noir à marquer dans le calendrier du Grand Conseil vaudois. Ce jour-là, en effet, le parlement cantonal a accepté une initiative législative immonde de l’UDC – la mal-nommée Union démocratique du centre, puisqu’elle n’est plus depuis belle lurette ni démocratique, ni du centre, mais carrément xénophobe, raciste et fascisante. Cette initiative stipule l’interdiction totale de la mendicité sur tout le territoire cantonal. Après deux heures de débat, elle a été acceptée par 60 «oui» (UDC et Parti libéral-radical) contre 56 «non» (toute la gauche, une partie des Verts et le groupe Parti démocrate-chrétien/Vaud libre) et 5 abstentions (Verts).1 value="1">Cf. Le Courrier du 28 septembre 2016. Etant entièrement rédigée, elle a force de loi et ne sera pas soumise à un scrutin populaire.

La mendicité étant prohibée, les contrevenants – les mendiants donc – seront punis d’une amende de 50 à 100 francs et il est prévu de sanctionner les personnes qui organiseraient ladite mendicité par 500 à 2000 francs d’amende. Mais, à part quelques rares clochards en déshérence, qui mendie aujourd’hui dans les rues vaudoises? Les Roms, bien sûr! L’initiative UDC est donc, sans le dire, une machine de guerre contre les gitans de l’Est européen qu’il s’agit de traquer par tous les moyens possibles, le plus efficace étant de les priver de leur seule source de revenus. Les Roms étant officiellement des ressortissants roumains ou bulgares, ils sont des citoyens d’Etats européens et ont donc droit à la liberté de circulation limitée de l’espace Schengen. Mais, ce statut ne leur donnant pas le droit au travail, ni à l’assistance publique, il ne leur reste que la mendicité pour gagner trois francs six sous qu’ils enverront «chez eux» pour faire vivre la famille restée au pays!

Cette mendicité «au gobelet» est considérée par le député Philippe Ducommun (UDC) comme un «fléau»2 value="2">ibid. qu’il s’agit d’éradiquer. Pour ce triste sire, ce n’est donc pas la pauvreté, voire la misère, qui est un fléau, mais les humains qui en sont les victimes et qui tentent de surnager dans nos sociétés opulentes.

Philippe Ducommun et les 59 autres députés qui ont voté cette sordide proposition ont-ils eu une fois faim dans leur vie sans possibilité de se nourrir rapidement? Ont-ils dormi plusieurs nuits sous un pont sans sacs de couchage? Ont-ils cherché chaque jour un lieu discret pour «pisser et caquer»? Ont-ils vécu l’expérience humiliante de tendre la main dans les rues commerçantes sous le regard condescendant ou réprobateur des «bien nourris»?

Sans mendicité, que reste-t-il pour survivre aux mendiants ainsi jetés, comme le Job de la Bible, sur leur tas d’ordures? La prostitution et le vol! Voilà où mène l’initiative putride de la droite extrême et de l’extrême droite vaudoises qui ne cherchent en fait qu’à flatter le «bon peuple» dans le sens du poil en vue des élections cantonales du printemps prochain…

Le 27 septembre dernier, l’UDC et le PLR ont obtenu une petite victoire parlementaire mais, du même coup, subi une profonde défaite morale, celle-ci écrasant celle-là parce qu’elle ne porte en elle que le cynisme des repus! I
 

Notes[+]

* Animateur en éducation populaire. Cette chronique a été écrite avant le lancement du référendum annoncé le 10 octobre. Cf. Le Courrier du 11 octobre.

Opinions Chroniques Bruno Clément

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lundi 8 janvier 2018

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