Per la dignità, grazie mille Italia
Le 30 juillet dernier, la journaliste Mathilde Auvillain a publié sur Mediapart un reportage sur l’incroyable opération de médecine légale en cours sur la base militaire de Melilli en Sicile.1 value="1">M. Auvillain, Morts ou vivants, l’Italie va chercher les migrants en mer, 30/07/2016, www.mediapart.fr
Dans ce camp, le gouvernement italien a construit plusieurs hangars ventilés dans lesquels des tentes sanitaires abritent les tables d’autopsie. Sous la responsabilité de la médecin légiste Cristina Cattaneo, des dizaines de médecins s’affairent à l’identification de corps difficilement identifiables. Il y a là dans des sacs aseptisés plus de 600 dépouilles d’hommes, de femmes et d’enfants migrants retrouvés dans le chalutier coulé en avril 2015 dans le canal de Sicile. Cette «barcasse» a été retrouvée à 370 mètres de fond et renflouée par la marine militaire italienne. A l’intérieur, les sauveteurs ont découvert des corps enchevêtrés jusque dans le puits à chaîne d’ancre, dont ceux d’enfants accrochés à leurs mères. Il y avait 458 dépouilles dans l’épave et 169 autres éparpillés autour au fond de l’eau.
On peut dire et penser ce que l’on veut de Matteo Renzi, mais sur ce coup- là, chapeau bas. En effet, le président du Conseil italien a déclaré sans ambages: «J’ai demandé à la marine militaire d’aller chercher cette épave pour donner une sépulture à nos frères et à nos sœurs qui, sans cela, auraient reposé pour toujours au fond de la mer. Je l’ai fait parce que nous, Italiens, connaissons la valeur du mot civilisation. Ce navire renferme des histoires, des visages, des personnes et pas seulement un nombre de cadavres.» Cette opération a coûté jusqu’à présent 10 millions d’euros entièrement financés par le gouvernement italien et donc sans aucune participation de l’Union européenne et de ses 27 autres gouvernements.
Dans le même temps, la préfète du Pas-de-Calais a interdit une manifestation d’hommage aux migrants morts à Calais, ceci au nom de l’état d’urgence. On a de la peine à comprendre le lien que cette haute fonctionnaire a fait entre un hommage solennel à des décès injustes et intolérables avec ladite prévention d’actes terroristes. Ainsi, les morts n’ont pas le même poids, ni la même valeur, dans le sud de l’Italie et dans le nord de la France… Le collectif Passeurs d’Hospitalités a, lui, fait un lien autrement plus pertinent avec le mythe d’Antigone. Dans cette histoire symbolique et millénaire, on se rappelle que les deux frères décédés se disputant le trône de Thèbes sont traités totalement différemment par le tyran Créon. L’un, Etéocle, considéré comme un héros, a droit à des funérailles nationales quand l’autre, Polynice, est laissé aux chiens. On sait aussi qu’Antigone, figure emblématique de la révolte, fera tout pour donner également une digne dernière demeure à son frère «maudit». Elle le paiera de sa vie, mais restera éternellement le visage du Juste!
En ce sens, en Sicile, on rend leur dignité aux morts de Méditerranée. A Calais, on les laisse à l’abandon…
Per la dignità, grazie mille Italia!
Notes
* Animateur en éducation populaire.