L’avenir de l’aéroport doit être le fruit d’un consensus
Votre article «Retiens la nuit» (6 mai) était intéressant. Il est frappant de voir comment les attitudes au bruit varient selon les intérêts en jeu. D’un côté, le bruit des événements culturels ou de la vie nocturne en général, qui dérange les habitants du centre-ville, est sujet à de plus en plus de restrictions de la part de nos autorités, quitte à asphyxier cette vie nocturne, source de bruit. De l’autre côté, le bruit des avions, qui dérange les habitants des communes en périphérie, est sujet à de moins en moins de restrictions, quitte à en asphyxier les victimes.
J’exagère, mais peu.
M. Sami Kanaan (conseiller administratif de la Ville de Genève chargé du Département de la culture) reconnaîtrait les «frictions entre demandes sociales contradictoires» et plaiderait pour une amélioration de la «politique de la nuit [par le biais] d’un espace pérenne au carrefour des départements et des services concernés, aussi bien cantonaux que municipaux…» Ces remarques pourraient s’appliquer telles quelles à la situation de l’aéroport de Genève.
A Vienne, en Autriche, il existe depuis dix ans une institution de dialogue entre aéroport, autorités et riverains. Rien de tel à Genève, avec pour résultat un manque criant de politique équilibrée sur le trafic aérien dans notre région.
Le processus de rédaction de la nouvelle politique pour l’aéroport, le Plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique (PSIA), une sorte de plan directeur pour les prochaines décennies, va bientôt culminer dans une consultation publique en automne 2016.
Ce processus est opaque, plutôt administratif que politique, et il en dit long sur le fait que la consultation vient après et non avant la rédaction du PSIA. On ignore dans quelle mesure le public genevois pourra influer sur le contenu du PSIA, instrument d’ailleurs essentiellement fédéral. J’y vois difficilement une véritable consultation. Mais puisqu’il en est ainsi, il nous incombe d’en tirer le plus d’avantages possible.
Le sujet de l’aéroport est délicat, suscitant beaucoup d’émotions. Si l’on veut éviter une polarisation malsaine de la population, il faut marier les intérêts des riverains de l’aéroport, d’un côté, avec ceux des personnes qui en dépendent économiquement, de l’autre. Pas facile de les séparer non plus – en tant que voyageur ou commerçant genevois, on est content d’avoir l’aéroport à 15 minutes, mais en tant que résident, on maudit les avions qui laissent de la suie sur le balcon ou nous empêchent de dormir.
Donc en ce qui concerne cette consultation, ce que j’aimerais voir, c’est non pas des événements unilatéraux, qui nous informeraient sur des faits accomplis, mais plutôt une série d’authentiques échanges, voire d’ateliers, avec pour but de peser et concilier les différents intérêts – essentiellement économiques et sociaux – dans un consensus sur l’avenir de l’aéroport de Genève.
Mon idée est qu’il y aurait quatre «forums ouverts», chacun réunissant les habitants d’une zone différente du canton – et pourquoi pas la France voisine, hautement intéressée et affectée – par exemple Versoix/Genthod/Bellevue; Meyrin/Vernier/Ferney, Satigny/Cartigny/Aïre et Genève-centre/Nernier. Le «forum ouvert» est une forme de consultation très productive. Il est animé par un facilitateur professionnel, sur une journée entière, au cours de laquelle on discute dans un cycle d’ateliers des thèmes proposés par les participants mêmes lors de la plénière initiale, dans ce cas, par exemple, le bruit, les besoins économiques, la pollution, les questions techniques, le PSIA, etc. Une plénière finale produirait un résumé des conclusions de chaque atelier en forme de priorités pour l’aéroport à l’avenir, à transmettre aux autorités.
Ce serait un bel exercice en démocratie directe à la suisse.
A mon avis, il est important que les communes riveraines de l’aéroport, suisses et françaises, les autorités de la Ville et du canton de Genève, l’Aéroport même, et les associations intéressées, contribuent aux ressources logistiques, financières ou humaines selon leurs capacités, afin de trouver une véritable réponse à la question «Quel aéroport voulons-nous?».
* Versoix (GE).