«Une incitation intolérable au retour de l’autoritarisme»
Nous sommes témoins, au Brésil, d’une résurrection effrayante des forces conservatrices, très semblables à celle qui avait débouché sur le coup d’Etat de 1964 et l’installation d’une dictature militaire qui a duré vingt et un ans. Depuis le début du deuxième mandat de Dilma Rousseff, les forces de la dite «opposition» ont œuvré sans relâche dans le but exclusif de renverser la présidente élue démocratiquement en 2014 avec plus de 54 millions de voix.
Les manœuvres politiques fourbies par l’opposition afin de déstabiliser le gouvernement Rousseff ont été multiples, souvent commises dans le mépris des principes éthiques et s’appuyant sur des accusations qui ne pourraient en aucun cas légitimer des procédures d’impeachment (destitution). Les politiciens de l’opposition se sont livrés à une manipulation ouverte des procédures légales de manière opportuniste et ont utilisé toutes les brèches d’une loi passée en 1950, que les Brésiliens pensaient ne jamais voir utilisée au début de la période démocratique de leur pays.
Toutes ces actions ont reçu le soutien constant de la presse nationale, responsable d’avoir sélectionné des faits à caractère sensationnel. Nous dénonçons donc comme illégitimes les procédures actuelles d’impeachment contre la présidente élue démocratiquement, Dilma Rousseff.
Le Brésil est polarisé, et l’opposition agressive au Parti du Travail (antipetismo) distille une incitation grandissante à la haine, à l’intolérance de la diversité, ainsi qu’un non-respect profond des minorités. De plus, ces derniers mois ont connu des manifestions misogynes contre la présidente et la dissémination de discours appelant à la violence et la discrimination contre les femmes.
Le dimanche 17 avril, nous étions choqués de visionner la session du parlement (la Chambre des députés) lors de laquelle une majorité des élu-e-s ont approuvé l’ouverture des procédures d’impeachment à l’encontre de Dilma Rousseff. La grande majorité des élu-e-s n’ont pas voté selon les règles constitutionnelles. En vertu de la Constitution brésilienne, les député-e-s auraient dû examiner si, oui ou non, la présidente Rousseff pouvait être jugée coupable de «crime de responsabilité», qui constitue la base légale pour l’impeachment d’un président. Ce qui n’a pas été fait. La session était clairement un jugement politique qui ne tenait compte ni des normes légales ni du protocole parlementaire. De manière choquante, un des tenants de l’impeachment a même rendu hommage à une personnalité notoire de la dictature militaire, condamné pour avoir torturé des centaines de personnes – dont Dilma Rousseff elle-même – et qui fut également impliqué dans des tueries et des disparitions.
Il s’agit d’une incitation intolérable au retour de l’autoritarisme, voire à la torture, dans notre pays. Une minorité d’élu-e-s ont dénoncé la nature illégitime des procédures d’impeachment, puisque la présidente Rousseff n’a été inculpée ni de «crime de responsabilité» ni d’implication dans la corruption et la malfaisance. Ces député-e-s ont été lâchement hués. Le niveau de manifestation politique faisant appel aux forces obscurantistes est très inquiétant et montre que les avancées démocratiques et en termes de droits humains sont sérieusement menacées.
S’il y a désaccord sur les politiques et les positions du gouvernement, il est clair que l’impeachment n’est en aucun cas la solution pour les changer. Pour amener du changement, il faudrait commencer par le Congrès, dont la majorité représente aujourd’hui des intérêts conservateurs et réactionnaires, et dont de nombreux membres sont poursuivis pour corruption.
Le Mouvement des peuples pour la santé (People’s Health Movement – PHM), au Brésil, et les Femmes pour la santé, à l’Université fédérale de Rio Grande do Sul (MUSA), rejettent, dans les termes les plus fermes, ces procédures et appellent à la défense de l’ordre démocratique et la maintenance d’un projet progressif pour le Brésil qui protège les femmes et les minorités, qui sont dangereusement menacés.
* Porto Alegre, le 23 avril 2016. Traduit de l’anglais par Alison Katz.