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Myanmar: un eldorado pour le business?

DROITS HUMAINS • Des sociétés minières canadiennes et chinoises sont responsables de graves atteintes aux droits humains et d’activités illégales dans le cadre du site d’extraction de cuivre de Monywa, avec la complicité des autorités du Myanmar.

Intitulé Open for Business? Corporate Crime and Abuses at Myanmar Copper Mine1 value="1">http://www.amnesty.org/en/library/info/ASA16/003/2015/en, le rapport d’Amnesty International paru le 10 février dernier expose les nombreuses expulsions forcées et la pollution entraînées par l’exploitation minière, détruisant des moyens de subsistance et mettant en danger la santé de milliers de personnes. La police a fait usage d’une force disproportionnée dans la répression de manifestations des riverains, en recourant notamment, dans un cas, à l’utilisation du phosphore blanc – substance explosive extrêmement toxique. Amnesty International a également recueilli des éléments attestant d’activités illégales.

Selon Danièle Gosteli Hauser, responsable de campagne Economie et droits humains à la Section suisse d’Amnesty International, «le Myanmar est un de ces pays qui combinent richesses naturelles, système juridique faible et économie sous l’emprise de l’armée et d’intérêts particuliers. Les autorités ont expulsé de force des gens, écrasé toute tentative de contestation pacifique et affiché leur réticence à amener les entreprises à rendre des comptes.

«Le projet de Monywa est un exemple édifiant en matière d’investissement dans le pays: les projets industriels et commerciaux y sont trop souvent caractérisés par des violations et les populations sont décimées au nom du profit. Les travaux de construction de la mine de Letpadaung doivent être suspendus immédiatement, tant que les questions relatives aux droits humains n’auront pas été résolues.

«Les personnes qui vivent près de Monwya et de Letpadaung sont victimes depuis plus de vingt ans de violations de leurs droits, liées aux activités commerciales d’entreprises canadiennes, birmanes et aujourd’hui chinoises. Les investissements étrangers peuvent favoriser le développement du Myanmar, mais ce projet profite aux entreprises tout en étant néfaste à la population.»

La Suisse a été parmi les premiers Etats à ouvrir une ambassade dans le Myanmar, en novembre 2012. Les missions économiques se succèdent et les échanges commerciaux entre les deux pays sont en augmentation. Danièle Gosteli Hauser: «Les investissements étrangers sont très importants pour le Myanmar. Mais des problèmes aigus existent encore dans ce nouvel eldorado pour investisseur qui est loin d’offrir des garanties de respect des droits humains suffisantes aux investisseurs étrangers. La prudence est donc de mise pour les investisseurs potentiels en Suisse.

«Conformément aux Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits humains, celles-ci doivent éviter de se trouver impliquées dans de graves violations des droits humains. Il faudrait d’ailleurs pouvoir ancrer dans notre législation cette obligation de diligence pour les entreprises. C’est pourquoi une vaste coalition d’organisations de la société civile, dont Amnesty, a décidé de lancer l’initiative populaire ‘Pour des multinationales responsables’. L’initiative prévoit un devoir de diligence en matière de droits humains et d’environnement, qui comprend une évaluation des risques, des mesures pour éviter des atteintes potentielles aux droits humains et à l’environnement et y mettre un terme, ainsi que la publication d’informations complètes sur les mesures adoptées.»

Le projet de Monywa inclut les mines de cuivre de Sabetaung et de Kyisintaung (S&K), ainsi que celle de Letpadaung. Les mines de Sabetaung et de Kyisintaung sont exploitées depuis les années 1980, celle de Letpadaung est en cours de construction. En 1996, la société canadienne Ivanhoe Mines Ltd. et l’entreprise publique du Myanmar, Mining Enterprise N°1 (ME1), ont créé une joint-venture, Myanmar Ivanhoe Copper Company Limited (MICCL), détenue à part égale par les deux sociétés. Cette joint-venture a exploité les mines de Sabetaung et de Kyisintaung. En 2007, Ivanhoe Mines a décidé de céder les parts qu’elle détenait dans le pays, transférant ses actifs dans le cadre d’un mécanisme de fiducie.

En 2010, China North Industries Corporation (NORINCO) et l’Union of Myanmar Economic Holdings Limited (UMEHL) ont annoncé qu’elles avaient conclu un accord au sujet du projet de Monywa, incluant les mines de Sabetaung et de Kyisintaung et celle de Letpadaung. Des filiales de Wanbao Mining Ltd (détenue par NORINCO) exploitent aujourd’hui ces trois mines. Le détail du transfert des actifs de la joint-venture ME1-Ivanhoe Mines au partenariat entre la Chine et l’armée du Myanmar (Wanbao-UMHEL) n’a jamais été divulgué.

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