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Ueli Maurer, vilain diable ou bouc émissaire?

SUISSE • Revenant sur le discours d’Ueli Maurer lors de la journée de l’Holocauste, Karl Grünberg pointe le manque de volonté de faire la lumière sur la politique suisse durant la Seconde Guerre mondiale.

Dimanche 27 janvier 2013, Ueli Maurer, président de la Confédération helvétique, s’est exprimé à l’occasion de la Journée internationale de la mémoire de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité.

Il a fait son devoir. Il a évoqué le souvenir de crimes terribles pour nous inciter à résister, à nous engager. Il a rappelé son voyage à Yad Vashem, à Jérusalem, et son empathie pour les victimes.

Ueli Maurer ne s’est pas limité à énoncer une fois de plus le propos lisse de l’ancienne histoire officielle, celle de Georges-André Chevallaz: «durant cette période sombre pour le continent européen, la Suisse est restée un pays de liberté régi par le droit (…), refuge pour de nombreuses personnes menacées et traquées».
Ce propos, il l’a adapté au goût du jour, remerciant les concitoyens courageux, annonçant sa participation à l’Assemblée des délégués de la Fédération suisse des communautés israélites le 8 mai 2013.

Ueli Maurer a plu au publiciste Pascal Décaillet pour qui il rappelle notre liberté, notre démocratie, notre Etat de droit, ce qu’il faut pour être fiers de notre pays. «Bergier, on a donné, merci!»

Il a déplu à la présidente de la Commission fédérale contre le racisme. Martine Brunschwig Graf y lit une allusion au contexte de l’asile qu’instrumentalise l’UDC: «Un discours sur la mémoire ne doit pas être un manifeste sur la politique actuelle.»

De nombreuses réactions émues au message d’Ueli Maurer montrent à quel point reste sensible une question dont tant de choses restent cachées à une opinion publique qui continue à ne rien savoir.

Et voilà le vrai scandale. Depuis quand, en Suisse, les autorités identifiaient-elles des Juifs avec un «tampon J»? Pourquoi le gouvernement n’a-t-il jamais fait la lumière sur ce point? Pourquoi la classe politique tout entière continue-t-elle à y être indifférente?

En 1937, le Front populaire gouvernait la France et l’Espagne était républicaine, l’Autriche et la Tchécoslovaquie existaient encore. Aucune menace ne pesait sur la Suisse. Mais, depuis 1937 au moins, le canton de Vaud marquait les titres de séjour de Juifs étrangers à coups de «tampons J».

Tout cela est vieux de plus de septante-cinq ans. Ce silence n’est plus supportable.

Le refus d’éclairer ne fût-ce qu’une parcelle du passé ne menace-t-il pas l’avenir tout entier?

Ueli Maurer est l’invité de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) le 8 mai 2013, 67e anniversaire de la capitulation des nazis et 75e anniversaire de cette épouvantable année 1938 qui vit disparaître l’Autriche et la Tchécoslovaquie, abandonner l’Espagne républicaine et les réfugiés juifs.

Qui vit les autorités suisses menacer l’Allemagne nazie de mesures de rétorsions si elle ne marquait pas les Juifs du «signe distinctif» qui devait permettre de les filtrer à la frontière. En 1938, le pire était à venir. L’année 1938 est celle où les démocraties occidentales ont consenti à l’expansion guerrière et raciste du régime hitlérien, elle est épouvantable parce qu’elle est oubliée!

Le 7 mai 1995, le conseiller fédéral radical Kaspar Villiger taisait encore ces manœuvres. Pourquoi, en 2013, la Suisse officielle ne les a-t-elle toujours pas reconnues?

Nous voulons qu’à l’occasion de sa rencontre avec des délégués de la FSCI le 8 mai 2013, le président de la Confédération soit en mesure d’apporter au moins un début de réponse à toutes ces questions. Le devoir de mémoire est essentiel. Il est nécessaire à l’avenir de nos enfants!
 

* ACOR SOS Racisme.

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