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Des fermiers trop affamés pour s’adapter

AGORA CLIMAT • Les petits fermiers des pays en développement qui souffrent de la faim durant de longues périodes ont des difficultés à s’adapter à un climat de plus en plus imprévisible, selon une nouvelle étude.

«Quand vous n’avez rien à manger, vous n’êtes pas vraiment capable d’innover.» Patti Kristjanson, économiste agricole au Programme de recherche du CGIAR1 value="1">Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, fondé par la Banque mondiale et parrainé par la FAO, le FIDA et le PNUD. sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire, a dirigé une étude réalisée auprès de 700 ménages en Ethiopie, au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie, avant la grave sécheresse qui a touché l’Afrique de l’Est en 2011. L’objectif était d’élaborer des indicateurs simples, comparables et transversaux au niveau des ménages pour évaluer si les petits fermiers étaient capables de se diversifier, de s’adapter et d’adopter de nouvelles techniques agricoles pour contrer les effets du changement climatique.

Il en ressort que les ménages qui ont été en situation de sécurité alimentaire pendant de longues périodes sont capables de s’orienter vers de nouvelles approches et techniques agricoles, comme l’utilisation de graines résistant à la sécheresse ou aux inondations. A contrario, ceux qui ont du mal à nourrir leur famille tout au long de l’année «n’ont pas les moyens d’investir dans de nouvelles pratiques qui impliquent des coûts et des risques élevés», selon la chercheuse. Cercle vicieux: l’incapacité à s’adapter contribue à l’insécurité alimentaire. «Il est donc crucial de continuer à s’informer sur les facteurs qui stimulent l’innovation, et sur la manière de réduire les obstacles associés au changement des pratiques agricoles».

L’étude a tenté de recenser les techniques utilisées par les fermiers au cours de ces dix dernières années afin de faire face au changement climatique. Il s’avère que peu des petits producteurs de la Corne de l’Afrique et d’Afrique de l’Est avaient adopté des techniques favorisant une agriculture plus durable et permettant de faire face à un climat imprévisible: 25% ont commencé à utiliser du fumier ou du compost locaux à la place des engrais chimiques coûteux et nocifs; 23% ont recours à la technique du paillage; 16% ont mis en œuvre de meilleures techniques de gestion du sol (construction de terrasses permettant de réduire les pertes d’eau et de sols); 10% ont commencé à stocker ou gérer les eaux à usage agricole. Et seuls 34% des agriculteurs ont réduit leurs troupeaux, même si 48% gèrent mieux leurs ressources, grâce à la culture de récoltes pour nourrir les animaux.

L’étude a toutefois relevé des points positifs: 55% des fermiers ont fait pousser au moins une variété à cycle court, 56% ont adopté au moins une variété résistante à la sécheresse, 50% plantent des arbres sur leurs terres (prévention de l’érosion, amélioration la qualité de l’eau et des sols…) et 50% ont introduit des cultures en alternance sur une même parcelle.

Si ces modifications peuvent aider les fermiers à s’adapter au changement climatique et contribuer à une réduction des émissions du méthane animalier, les changements réalisés par les ménages au cours des dix dernières années «sont minimes et non valorisables, et le manque d’expérience en matière de gestion de l’eau et des terres est préoccupant». Dans sa présentation du rapport, Bruce Campbell, directeur des programmes sur le changement climatique, a relevé les besoins en stratégies innovantes afin de garantir la sécurité alimentaire présente et future des petits producteurs africains, «mais aussi celle du reste du monde». A cet effet, le modèle des coopératives agricoles, comme il en existe déjà au Niger ou au Kenya, demande à être creusé.

* Agence du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU.

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