Édito

Secte libérale

Un arrêt de mauvais augure. Le Tribunal fédéral (TF) a sèchement désavoué les syndicats dans un arrêté diffusé la semaine passée. Il a estimé que la décision du groupe Tamedia –un des deux géants de l’édition suisse – de licencier un des délégués de la commission du personnel du Tages-Anzeiger était parfaitement fondée. Ceci à quelques jours de négociations délicates! Cela pose bien sûr un double problème: d’abord, l’arrêt du TF renforce la soumission des médias à des impératifs marchands et de productivité, au détriment du rôle des journaux dans l’espace démocratique en tant que garant d’une information égalitaire et non faussée. La décision inquiète ensuite sur le plan des droits syndicaux. Car on se pince à sa lecture. En tous les cas si l’on se réfère aux pratiques un peu plus civilisées qui ont cours par exemple en France, où ce genre de manœuvres serait sévèrement sanctionné. En Suisse, en revanche, il est possible d’intimider son personnel. Ce dernier a compris le message et filera un peu plus droit. La réaction de l’Union syndicale suisse est révélatrice dans sa faiblesse. Elle exige du Conseil fédéral qu’il légifère… On peut toujours rêver. Dans la décision du TF, l’employeur, lui, s’en sort avec les félicitations du jury, pardon de la haute cour de Mon-Repos. Cette dernière va en effet très loin dans les louanges qu’elle tresse à l’idéologie néolibérale dans un discours frisant le sectarisme. Elle ne se contente pas de constater l’absence de protection explicite dans le droit suisse. Ce dont on se doutait un peu. Mais, elle en rajoute une couche. Une protection des délégués syndicaux serait contre-productive, pontifient les juges fédéraux, pas gênés et qui s’improvisent économistes. Elle pourrait en effet bloquer une nécessaire restructuration d’une entreprise et, partant, serait contraire aux intérêts bien compris des travailleurs qui, sinon, se retrouveraient sur le trottoir à la suite d’une faillite. Bref, on a bien raison de vous virer, c’est pour votre bien. De droit supérieur, par exemple des normes de l’Organisation internationale du travail qui sont allègrement piétinées, on ne pipe mot. En l’occurrence, le problème est bien sûr inverse. Ce ne sont pas seulement les délégués syndicaux qui devraient bénéficier d’une protection contre les licenciements –pour eux, elle doit être totale et inconditionnelle – mais bien l’ensemble des travailleurs. L’argument qui met sur le même plan l’employé et l’employeur n’est que poudre aux yeux. Ce rapport de force est inégal. C’est ce genre de protection qu’il aurait fallu inscrire dans la loi lorsque le marché du travail a été dérégulé dans le cadre des bilatérales. Cela aurait d’ailleurs coupé l’herbe sous les pieds des forces politiques néopopulistes et évité de diviser les travailleurs en leur fournissant des boucs émissaires commodes: les plombiers polonais et autres frontaliers.

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