Contrechamp

LES FEMMES MARCHERONT SUR ROME

DROITS DES FEMMES – La délégation européenne du mouvement la Marche mondiale des femmes s’est réunie à Genève début avril. Compte-rendu d’une participante.

Dans un bel élan, nous avons décidé de marcher, en 2009, sur Rome et le Vatican, symbole de l’extrémisme catholique. La réunion européenne de la Marche Mondiale des Femmes (MMF), mouvement international d’associations féministes, a eu lieu récemment à la Maison des Associations de Genève, du vendredi 4 au dimanche 6 avril. Elle a accueilli une trentaine de représentantes venant de Suisse, d’Albanie, de Belgique, France, Espagne, Grèce, Italie, Macédoine, Portugal; le secrétariat international était également présent. Ce fut l’occasion de faire le point sur ce qui se passe dans chaque pays concernant la Marche, les campagnes sur les violences faites aux femmes, l’avortement, la prostitution. Il fut aussi question du Forum social européen (FSE).
Au niveau des contenus, différentes thématiques ont été développées. Parmi lesquelles la lutte contre les violences domestiques contre les femmes, qui perdurent partout. Dans certains pays, elles font partie des moeurs. Rappelons cependant qu’en Suisse, une femme sur cinq subit des violences domestiques, une fillette sur trois des abus d’ordre sexuel. Les armes militaires rangées à la maison tuent vingt-six femmes par an.

Par ailleurs, chaque année dans le monde, 2 millions de filles sont excisées. Cette tradition concerne des pays allant des Etats arabes à l’Inde. L’excision, tout comme l’infibulation, est pratiquée par des animistes, des catholiques, des coptes, des juifs, des musulmans, des protestants, alors qu’aucune religion, pas même l’Islam, contrairement à certaines croyances, n’a jamais imposé l’excision dans ses lois. Les mariages forcés sont aussi une forme de violence où la femme, considérée comme une marchandise, est échangée contre de l’argent.

La prostitution reste un fléau pour les femmes mais une source de revenus équivalant à ceux de la drogue pour une quantité de réseaux. La structure de nos sociétés et le néolibéralisme alimentent le commerce du sexe en considérant les femmes comme des objets disponibles. Complices de cet état de fait, les médias (espaces publicitaires, télévision, presse, Internet) véhiculent des images pornographiques où les femmes sont accessibles sexuellement pour assouvir les besoins prétendument incontrôlables des hommes. Ils participent ainsi à la construction de l’imaginaire des garçons, qui filment des scènes de viols collectifs pour les diffuser à leurs copains; ils confinent les femmes dans les registres de la soumission et de la culpabilité.

La mondialisation néolibérale accentue les inégalités économiques, qui sont accrues dans les pays du Sud par la non-scolarisation des filles et le non-accès des femmes à la santé. Les femmes précarisées n’ont souvent d’autre solution que d’immigrer et d’entrer dans le marché prostitutionnel. La libéralisation du tourisme amplifie ce phénomène en considérant les enfants et les femmes pauvres comme des «ressources» vendues aux touristes. Un million d’enfants à travers le monde, en majorité des filles, sont enrôlés dans l’industrie du sexe chaque année.

Autre fléau, la pauvreté, qui touche davantage les femmes. 67% des femmes seules élevant un ou plusieurs enfants ont du mal à finir le mois. Les deux tiers des enfants qui ne vont pas à l’école sont des filles. Dans les pays en développement, elles travaillent entre 4 et 16 heures par jour aux tâches domestiques. Au plan mondial, les femmes fournissent 70% des heures travaillées, reçoivent 10% des revenus et ne possèdent que 1% des richesses.

Dans la majorité des pays, on assiste à des attaques contre les rentes de vieillesse: allongement de l’âge de la retraite et diminution des rentes, ce qui touche prioritairement les femmes.

Dans un grand nombre de pays européens (Andorre, Bulgarie, Chypre, Croatie, Irlande, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie), les femmes sont en butte à des restrictions au droit à l’avortement ou à son interdiction; dans d’autres (Espagne, Italie, Macédoine), ce droit est menacé par la montée des intégrismes religieux et les pressions des lobbies conservateurs. A l’intérieur du Forum social européen, il n’a pas été possible, jusqu’à présent, de faire inscrire le droit des femmes à disposer de leur corps, le terme «diversité culturelle» servant à couvrir des pratiques telles que l’excision, le port du voile, etc.

Actuellement, les intégrismes religieux de tous bords, y compris catholique, exercent des pressions contre le droit à l’avortement, demandent un moratoire, veulent diminuer le nombre de semaines pour une interruption volontaire de grossesse (IVG), défendent la clause de l’objection de conscience, ce qui a pour conséquence que des médecins refusent de pratiquer des avortements, des pharmaciens de délivrer des moyens de contraception. Enfin, ils font le forcing auprès des différentes instances pour légaliser les droits du foetus. (On peut signer une pétition pour le droit à l’avortement à l’adresse ife@efi-europa.org).

Ce dernier sujet nous ramène au début des années 1970 quand, dans la mouvance de Mai 68, les femmes revendiquaient «mon corps est à moi». A l’époque, comme beaucoup d’autres femmes, j’ai lu Notre corps, nous-mêmes (Albin Michel, 1977) qui parlait de sexualité, d’homosexualité, de contraception, d’avortement, de maternité, de santé. (…) Après tant de manifs et de manifestes, de réunions et de stages, de débats et de lois, je pensais naïvement qu’en Europe au moins, nous avions avancé (la Suisse a légalisé l’IVG en 2002) et que toutes les femmes européennes pouvaient enfin disposer de leur corps et maîtriser leur fécondité. Eh bien non, dans une dizaine de pays, on en est au XIXe siècle et dans d’autres, les acquis sont menacés par des dévots réactionnaires… I

* Ecrivaine, participante à la Marche mondiale des femmes.

Opinions Contrechamp Huguette Junod

Autour de l'article

Connexion