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UBS embarquée dans l’hubris trumpiste

Avec Chevron, UBS prend les risques que la BNS a décidé de solder…» En effet, la méga-banque helvétique a fait le choix stratégique de renforcer son soutien au géant pétrogazier cité parmi les entreprises les plus polluantes au monde. Un paradoxe à hauts risques environnementaux et financiers que relève Guillaume Durin, de BreakFree Suisse, alors que Chevron vient d’être lourdement condamnée en Louisiane et que la Banque nationale suisse s’est totalement retirée en mai dernier de la multinationale étasunienne. Eclairage.
Économie

La semaine dernière, pendant que sous la coupole bernoise on célébrait la rétroactivité des 15% de droits de douane étasuniens, UBS abondait, avec JP Morgan, Morgan Stanley et RBC Capital Markets, à un emprunt de 154,2 millions de dollars USD levé par le géant pétrogazier Chevron. La Banque nationale suisse (BNS) a désinvesti cette année les 711 millions USD qu’elle détenait en parts de Chevron. Et pour cause, elle a pour ligne directrice de ne pas placer ses capitaux dans des firmes commettant des dommages systématiques majeurs à l’environnement.

Texaco, filiale de Chevron depuis 2021, a déversé durant des dizaines d’années des milliards de litres de liquides toxiques en Amazonie équatorienne. A la suite de pressions répétées, le groupe a obtenu d’un tribunal arbitral, le 27 novembre, le retournement de sa condamnation aux dépens de Quito. Le président équatorien Daniel Noboa apparaît avoir tout fait pour satisfaire la major pétrolière, sans que l’on puisse prouver quels ont été les moyens de pression exercés. Et pour cause, Chevron a contribué au torpillage fin 2020 d’un amendement bipartisan anti-corruption qui obligeait à rendre publics les paiements versés aux gouvernements des pays où les firmes opèrent.

Autre affaire emblématique, la multinationale a été condamnée en avril par un jury de Louisiane à payer 744 millions pour sa responsabilité dans la destruction d’une vaste zone humide protégeant l’Etat de la montée de l’océan. Couvée par Donald Trump, Chevron profite de son obsession extractiviste, et loue publiquement son engagement pour la «Domination énergétique américaine». Sans surprise, le Département de la justice étasunien pousse à ce que la condamnation soit révisée en appel.

UBS détient environ 1,72 milliard USD en parts de Chevron. L’emprunt auquel elle vient d’abonder complète le partenariat. Il pourrait aller à l’exploitation controversée du pétrole offshore du Golfe du Mexique sur laquelle Chevron et Trump misent gros ou encore à l’extraction du pétrole syrien, vis à vis duquel ils sont en négociation.

Les projets pétroliers en eaux profondes dans le Golfe du Mexique avaient été stoppés en janvier 2025 par l’administration Biden. Leur dangerosité environnementale et sociale, démontrée par la catastrophe de 2010 et potentialisée par l’extrémisation des conditions climatiques dans la zone, pourrait faire qu’ils le soient à nouveau dans trois ans.

L’attraction semble cependant trop forte. UBS réalise environ 34% de ses bénéfices aux USA, et a fait du marché des grandes fortunes américaines une priorité. Donnant des gages à Mar a Lago, elle a quitté en août l’Alliance bancaire Net-Zero, dont elle avait été membre fondateur. Elle a également annoncé le report de l’objectif de réduction de ses émissions opérationnelles de 2025 à 2035, après avoir supprimé la rémunération de ses dirigeants liée aux critères ESG (environnement, social et gouvernance).

Son président Colm Kelleher aurait l’oreille de l’ancien gestionnaire de fonds et actuel secrétaire au Trésor Scott Bessent. L’anglo-irlandais a été le n°2 de Morgan Stanley, avec qui UBS souscrit à l’emprunt et dont Bessent était l’un des clients. Il est vraisemblable que Kelleher puisse également compter sur une autre pointure de l’équipe présidentielle: Michael Grimes, ancien co-directeur de l’unité big-tech de Morgan Stanley, dirigeant aujourd’hui le US Investment Accelerator – une des pièces maîtresses de la politique économique trumpiste.

Force est de constater qu’UBS se situe aux antipodes de la «culture conservatrice du risque» que le duo Kelleher/Ermotti revendiquait en mars 2023. En alimentant Chevron, elle seconde l’une des pièces maîtresses de la périlleuse politique énergétique trumpiste et s’expose, dans ce cas comme dans d’autres, à d’immanquables retournements de tendance.

breakfreesuisse.org