Pendant des semaines, le Conseil d’Etat vaudois l’a martelé: son projet de budget d’austérité 2026, assorti de 305 millions de francs de coupes, n’était plus entre ses mains mais dans celles du Grand Conseil. Puis, vendredi en fin de journée, revirement. Sous la pression d’un mouvement de grèves et de manifestations d’une ampleur historique, le gouvernement a repris la main et retiré deux décrets: celui ponctionnant les salaires de la fonction publique et celui supprimant les décharges de fin de carrière dans l’enseignement. Un recul justifié par la volonté «d’apaiser le climat», et qui met en colère une droite menaçant désormais de ne pas voter le budget. Dans les rangs syndicaux comme à gauche, la décision est vue comme une victoire, certes, mais «limitée». Traduction: la colère reste intacte.
Car sur le fond, les lignes bougent à peine, même si le Conseil d’Etat affirme désormais que «les conditions de licéité de la grève ne sont plus remplies». Les 25 millions de coupes concernés ne disparaissent pas: ils seront compensés ailleurs par des «mesures d’économies ciblées sur les ressources humaines». Et surtout, ils ne représentent qu’une partie des efforts exigés du personnel. La non-indexation partielle des salaires 2026 demeure, tout comme des mesures touchant le secteur parapublic, notamment le ralentissement de la revalorisation salariale issue de la CCT-Social. Autrement dit, si la ponction frontale est ajustée, la pression sur les conditions de travail reste bien réelle.
La liste des impacts ne s’arrête pas là. Alors que les effectifs étudiants augmentent, l’université de Lausanne doit absorber 20 millions de coupes, qui se traduiront par «une diminution des prestations d’enseignement et de recherche», avec des conséquences directes sur le personnel. Vingt millions sont également retranchés à l’Etablissement vaudois d’accueil des migrant·es, précipitant une centaine de suppressions de postes, dont 46 licenciements annoncés. Au total, près d’un tiers des économies prévues frappent directement le personnel et les relations de travail. Dans ce contexte, décréter que la grève serait désormais illicite tient moins de l’apaisement que d’un passage en force, d’autant que les négociations avec les syndicats sont une nouvelle fois renvoyées à 2026.
On ne reconnaît pas la légitimité d’un mouvement social tout en disqualifiant ses méthodes légales. En manifestant par milliers hier soir, les Vaudoises et Vaudois ont rappelé au Conseil d’Etat qu’un budget ne se fait pas contre le service public, ni contre celles et ceux qui le portent. Au sein du Grand Conseil, qui a jusqu’à demain soir pour adopter ou non un budget, cette énième faute politique du gouvernement annonce une défiance de la gauche, mais désormais aussi de la droite. On a connu des tentatives d’apaisement plus réussies.