La définition du terrorisme reste l’un des enjeux les plus épineux des relations internationales et du droit pénal international. Cette difficulté n’est pas accidentelle: elle traduit la nature profondément politique du phénomène et la relativité des perceptions selon les acteurs étatiques et non étatiques.
Depuis plus d’un demi-siècle, alors que le terrorisme s’impose comme une menace transnationale, les efforts pour le réprimer se heurtent à deux obstacles fondamentaux: déterminer avec précision ses contours et identifier juridiquement ses auteurs. La qualification d’acte terroriste, loin d’être objective, dépend de la perspective politique et du cadre normatif adopté.
L’exemple de l’Etat islamique (Daesh) illustre parfaitement cette ambiguïté. Considéré comme organisation terroriste par l’ONU et de nombreux Etats, ce groupe a commis des attentats sur le territoire irakien, syrien et en Europe, notamment à Paris (2015) et Bruxelles (2016). Toutefois, des mouvements combattant Daesh, ou opérant dans des contextes similaires, peuvent être considérés par d’autres acteurs comme des forces de résistance légitimes. La qualification juridique de «terroriste» apparaît alors étroitement liée au jugement politique, révélant le caractère subjectif et normatif du concept.
Cette tension transparaît dans le droit international contemporain. La Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité impose aux Etats membres de prévenir et de réprimer le financement du terrorisme et de coopérer pleinement pour l’échange d’informations et l’assistance judiciaire. La Résolution 2178 (2014) renforce ce cadre en criminalisant le déplacement de combattants terroristes étrangers et en exigeant des Etats qu’ils adoptent des mesures législatives et opérationnelles pour prévenir leur recrutement et leur financement. Ces instruments illustrent la centralité du droit dans la lutte contre le terrorisme, mais aussi les limites d’une qualification uniforme des acteurs et des actes.
Au final, le terrorisme n’est pas seulement une menace sécuritaire: il est un objet juridique et politique dont la définition fluctue selon les intérêts des Etats et des organisations internationales. L’adage cynique «le terroriste de l’un est le héros de l’autre» ne relève pas d’une simple formule: il traduit une réalité juridique et politique inévitable, où la délimitation du terrorisme dépend moins de faits objectifs que de choix normatifs et stratégiques.
Vahide Demiri,
Genève