La forêt n’en finit pas de brûler. Des centaines de milliers d’hectares sont calcinés. Ce qu’on ne voit pas sur les photos, c’est que la fumée noire qui s’élève vers le ciel emporte avec elle des milliards de tonnes de gaz à effet de serre, de quoi précipiter notre Terre dans une fournaise qui pourrait rendre obsolète l’accord de Paris. Ce sont des scientifiques qui nous l’apprennent: des météorologues, des spécialistes en sciences de l’environnement. Intéressant, n’est-ce pas? Grâce à la science, nous savons presque tout sur les menaces qui obscurcissent notre avenir. Mais il y a aussi des gens – des écologistes – qui ne cessent de nous bassiner pour qu’on ne se contente pas de savoir, mais qu’on agisse.
Un vent mauvais ébouriffe ces empêcheurs de jouir tranquillement des plaisirs de la vie. Depuis quelques mois, les médias s’en donnent à cœur joie pour relayer le désamour, voire la détestation, qui secoue les réseaux sociaux contre les écologistes. Depuis leurs déboires aux élections fédérales de 2023, leur promesse d’un futur radieux dans un environnement préservé, plus personne n’y croit. Ils seraient devenus les champions des leçons de morale truffées de taxes et d’interdits, persiflent les mauvaises langues.
Il faut admettre que ce recul électoral a fait mal. A vrai dire, la défaite fut moins celle des écologistes que de l’environnement, sous la pression de la droite en reconquête. N’oublions pas non plus que 2019, année de leur triomphe électoral, c’était avant le Covid: la mobilisation écologique était forte. Mais la pandémie a tout changé. Les restrictions imposées, les incertitudes, les échanges sur les réseaux sociaux ont favorisé l’apparition des antivax, des anti-Etat, des adeptes des théories du complot. Une partie importante de la population a été saisie d’un intense et durable désir de retrouver «la vie d’avant» et de ne plus être dérangée. Dès lors, comment avancer quand tout recule?
Il y a plus grave. Jusqu’ici, on comptait sur les données scientifiques pour amener la population à vaincre sa frilosité et à choisir l’action. Il paraît que nous avions tort car la science ne serait pas fiable. Dans une chronique parue dans Le Temps1>Charles Wyplosz, chronique «Pourquoi les écologistes perdent du terrain?», Le Temps du 19 juin 2025., l’économiste Charles Wyplosz entonne à son tour la rengaine du fiasco des Vert·es: «une chute d’influence quasi générale», car leur foi en la science les a égarés. «Annoncer que ‘la’ température va augmenter de tant de degrés dans les décennies qui viennent» et affirmer qu’il y a «urgence absolue» d’agir «n’est pas crédible», et cela les a amené·es à réclamer «un foisonnement de subventions coûteuses» et inefficaces. De plus, erreur rédhibitoire, le mouvement écologiste s’est déclaré antisystème (capitaliste). Or «mélanger la lutte contre le changement climatique et des considérations idéologiques» ne peut que «braquer tout le monde».
Bon! Alors quoi? Pour l’économiste: des «taxes carbone», des «compensations aux personnes et aux entreprises», «des mesures de développement» (transports) et des «installations de distribution d’énergies vertes». A vrai dire, je ne vois pas clairement en quoi c’est mieux, sinon que tout cela s’insère probablement dans une visée technosolutionniste conservatoire, détachée des idéologies, mais pas des profits. Pour se faire une idée, on peut se référer au résultat plus que décevant de la récente conférence de l’ONU sur la pollution plastique: l’obstruction des lobbyistes de l’industrie pétrochimique a tué tout espoir d’un accord! Ce que l’économie entreprend dans ce domaine, c’est comme un feu d’artifice raté: chacun tire sa fusée au petit bonheur; ça pétarade de tous les côtés, les étincelles retombent en sifflant, mais il n’y a jamais de tableau d’ensemble qui illumine la foule!
Revenons aux écologistes: en plus du reste, on leur reproche de se disperser et d’avoir «dilué leur cause dans d’autres causes»2>Myret Zaki, «Derrière les multiples affaires, la fin de l’idéal vert?», Blick du 8 mai 2025.. A mon sens, ce qu’ils et elles pratiquent, c’est plutôt l’inclusion, l’élargissement des perspectives jusqu’à développer une vision holistique du monde vivant. Ainsi, le féminisme «vert» est un écoféminisme qui n’a pas grand-chose à voir avec le «wokisme», mais beaucoup avec l’exploitation de l’environnement. Ce positionnement inclut la justice sociale, la solidarité, la sobriété. Il permet, autre exemple, d’entendre l’appel3>reporterre.net/Le-sang-des-Congolais-coule-dans-nos-telephones de militants congolais à l’Europe: «Une fois de plus, le numérique repose sur des minerais extraits au prix de massacres en RDC». La Suisse reste sourde à ce type d’appel. Pire, elle réduit les budgets de l’aide au développement! Elle reste également sourde au jugement de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) qui l’a condamnée pour «inaction climatique» suite à l’action judiciaire des Aînées pour le climat.
Quoi? Alors que les émissions de gaz à effet de serre de notre petite Suisse ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan, on devrait sauver le climat pour d’autres pays qui ne font rien? Implacable, la CrEDH, dans son verdict, ne lâche rien sur «le principe d’équité et d’inclusivité: le problème est mondial». Au Palais fédéral, les débats sur ce jugement semblent au point mort. Les relancer serait une opportunité pour les écologistes.
Notes