L’Union démocratique du centre et son allié, le Mouvement citoyens genevois, veulent accorder une carte d’immunité à la police genevoise. Ceci via une initiative soumise au peuple le 28 septembre prochain. Une mauvaise idée sur le fond, la forme et le timing.
Ce texte délègue au Grand Conseil la décision de permettre ou non une poursuite pénale en cas de «bavure» policière. Cette latitude laissée aux élu·es est actuellement réservée aux cas d’exception – on songe à l’affaire Maudet, qui avait occasionné un tel passage devant le pouvoir législatif –, mais elle ne devrait pas être la règle pour les fonctions régaliennes de l’Etat.
D’autant qu’un tel mécanisme introduit une subjectivité dans l’application du droit, qui variera en fonction des majorités politiques: une forte majorité de droite aura tendance à passer tout et n’importe quoi à sa police, tandis que la gauche se montrera plus intransigeante sur le respect des droits humains par rapport à l’usage de la force.
Sur la forme, la droite extrême se montre parfois chatouilleuse sur la séparation des pouvoirs… mais surtout quand cela l’arrange et permet d’enterrer certaines demandes. De fait, la Chambre constitutionnelle avait déjà toussé lorsqu’une loi semblable à l’initiative UDC avait abouti sur son pupitre.
Le bon sens avancé par les partisans de ce texte intitulé «Oui, je protège la police qui me protège» prête à sourire. Le fait que le procureur général du canton soit regardant sur certains excès de vitesse commis lors de courses-poursuites n’est en rien ridicule, comme le dénoncent des partis qui ont trop regardé Starsky et Hutch. La doctrine du procureur Olivier Jornot – pas vraiment connu pour sa pusillanimité en matière de répression – relève de la simple application du principe de proportionnalité, si important dans l’Etat de droit. La mort du jeune Marvin à Lausanne l’a encore montré: faut-il à tout prix poursuivre un délinquant toutes sirènes hurlantes? Un scootériste y avait aussi perdu la vie à Genève il y a quelques années.
Enfin, le timing est hasardeux. Les récentes affaires vaudoises – les morts successives de personnes racisées, la mise en évidence de comportements pour le moins problématiques de certains policiers, et le ressentiment face à ce qui relève de formes de harcèlement de populations stigmatisées – sont là pour le rappeler. L’exercice légitime de la violence exige en retour une exemplarité et une retenue qui ne sont pas toujours au rendez-vous. Cette loi ne contribuera en rien à améliorer les choses. Au contraire.