Nicolas Rousseau affirme dans son agora du 25 juin dans Le Courrier que la Russie a agressé l’Ukraine «en prétendant prévenir une menace de l’OTAN». L’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022 par la Russie était illégale en droit international. Mais si l’analyse commence et termine là, la diplomatie pour la paix n’a aucune chance d’aboutir.
On arrive à un million de morts et de blessés dans cette guerre parfaitement prévisible et donc, évitable. Les revendications de la Russie étaient simples, que l’Ukraine reste neutre vis à vis de l’OTAN1> Seulement 40% de la population ukrainienne en 2019 se disait favorable l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Volodymyr Ishchenko, «Towards the Abyss», New Left Review 133/134, January/April 2022. (comme promis) et que le Donbass soit autonome (comme promis). Il s’agissait des «lignes rouges» pour la Russie – évidentes en consultant une carte.
Depuis 1990, et en dépit des promesses faites à Gorbatchev2> Philippe Descamps, «C’est promis, aucune expansion vers l’est», Manière de voir, juin/juillet, 2022., il y a eu une expansion massive de l’OTAN. La Russie est aujourd’hui entourée par des pays membres d’une alliance militaire, ouvertement hostile à son égard et armée jusqu’aux dents.
L’ingérence des Etats Unis/OTAN dans l’Ukraine depuis le début du siècle a été massive – économiquement, politiquement et militairement. L’Ukraine n’est pas dans l’OTAN mais l’OTAN est bien dans l’Ukraine3> Medea Benjamin et Nicolas Davies, NATO: what you need to know, OR Books 2024..
Depuis le coup d’Etat de 2014, les gouvernements successifs ukrainiens, financés et armés par les Etats-Unis/OTAN, ont bombardé leurs propres citoyens, les russes ethniques et/ou russophones du Donbass4> Glenn Diesen, The Ukraine War and the Eurasian World Order, Clarity Press, 2024.. Les Russes de la Russie sont aussi dans la ligne de mire. En effet, depuis 2015, et selon des anciens officiels de la CIA, «les Etats-Unis sont en train de former une insurrection»; ils enseignent aux Ukrainiens «comment tuer les Russes»5> yahoo.com/news/cia-trained-ukrainian-paramilitaries-may-take-central-role-if-russia-invades-185258008.html.
L’incursion de l’OTAN en Ukraine était particulièrement menaçante pour la Russie car la Crimée abrite la flotte russe de la mer Noire depuis 1783. Après le coup d’Etat soutenu par l’Occident en 2014, la Russie craignait, non sans raison, de perdre l’accès au port de Sébastopol, indispensable à sa sécurité et a donc repris la péninsule de la Crimée – avec l’approbation massive de la population6> Rapoza, «One year after Russia annexed Crimea, locals prefer Moscow to Kiev», Forbes, 20 March 2015..
Le projet des Etats-Unis d’affaiblir la Russie par le biais d’une guerre en Ukraine, utilisant exclusivement les soldats ukrainiens, est de longue date. Il fallait saigner la Russie jusqu’au dernier Ukrainien. Ce n’est pas Poutine qui le raconte, mais de très nombreux militaires, élus ou conseillers haut placés, états-uniens7> Hillary Clinton par exemple: nationalheraldindia.com/opinion/clinton-gives-the-game-away-bleed-russians-in-ukraine-like-afghanistan.
Au vu de ce qui précède, il semble compréhensible que pour la Russie, la posture des Etats-Unis/OTAN représente une menace, que ce soit existentielle ou pas. Pour l’Ukraine par contre, la guerre de procuration, représente très clairement une menace existentielle. Le pays est détruit et a perdu une génération de jeunes hommes.
On savait que les «lignes rouges» franchies, la Russie allait envahir, comme ferait n’importe quelle grande puissance dans la même situation – que ce soit justifié ou pas. Sachant cela, si on voulait sauver le (dernier) soldat ukrainien, ne fallait-il pas prendre en considération des préoccupations normales de sécurité de tous les pays, y compris la Russie?
Notes