Que de désinformations sur les attaques américano- israéliennes contre l’Iran!
• Une guerre préventive? La légalité internationale en condamne le principe. Poutine doit se réjouir, lui qui a agressé Ukraine en prétendant prévenir une menace de l’Otan. Et le Sud global de dénoncer à nouveau le double langage des Occidentaux, ici hostiles à toute violation de la Charte de l’ONU, là plus réservés.
• Des frappes toutes justifiées? En droit international, rien n’autorise l’assassinat à leur domicile de personnalités scientifiques, qui équivaut à des exécutions extrajudiciaires. Est aussi proscrit le ciblage volontaire d’infrastructures civiles comme des dépôts de carburant, si dénoncé quand les Russes y recourent. Et que dire d’un Etat qui menace de brûler la capitale d’un autre Etat, qui s’indigne quand un de ses hôpitaux est touché alors qu’il en a rasé des dizaines à Gaza?
• Une menace iranienne imminente? Même si l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) pointait diverses activités non autorisées des Iraniens, elle n’en concluait pas qu’ils disposeraient très vite de l’arme nucléaire; les agences américaines de renseignement confirmaient son constat. Israël a trouvé là un prétexte pour une attaque décidée de longue date, comme Bush a diabolisé l’Irak de Saddam Hussein pour justifier sa guerre.
• Stopper la marche de l’Iran vers l’arme nucléaire? Peut-être, mais au détriment de toute démarche diplomatique, comme celle qui avait permis l’accord de Vienne de 2015, dénoncé ensuite par Trump à l’instigation de Netanyahou. Reste aussi à prouver que cette guerre dissuadera Téhéran de persévérer; certains pensent plutôt qu’elle encouragera ceux des Iraniens de toute tendance qui voudront recourir à la dissuasion nucléaire, comme l’avait déjà envisagé le shah, sans qu’il suscite alors la réprobation occidentale.
• Pas de Moyen-Orient nucléarisé? C’est oublier le programme nucléaire d’Israël, Etat qui n’a pas signé le Traité sur la non-prolifération et qui refuse les inspections de l’AIEA. En fait, les Israéliens veulent surtout garder le monopole de la bombe au Moyen-Orient. D’ailleurs, quel que soit le régime à Téhéran, ils l’auraient probablement attaqué s’il avait voulu l’arme atomique, comme en 1981 quand ils ont détruit le centre irakien de recherche nucléaire d’Osirak. Au passage, notons ici que, contrairement à leur narratif martelé partout, l’arme atomique les prémunit contre tout risque d’anéantissement, bombe iranienne ou non.
• Préserver le droit d’Israël à exister? L’existence d’Israël n’étant de fait pas menacée, tout prouve que Netanyahou poursuit d’autres objectifs: prévenir toute dissidence dans son gouvernement, ressouder la population autour de lui, faire oublier le génocide à Gaza, sensibiliser l’opinion publique internationale aux victimes israéliennes des bombardements (pourtant beaucoup moins nombreuses qu’en Iran), différer la reconnaissance d’un Etat palestinien – la France ayant renvoyé la conférence prévue à ce sujet.
• L’occasion d’éliminer le régime des mollahs? Peut-être, mais la mollarchie pourrait refaire l’unité autour d’elle au nom d’un sentiment national resté fort, comme Khomeiny lors de l’attaque de l’Irak en 1980, avec même une criminalisation accrue des dissidents, plus vite taxés d’agents étrangers. De plus, les tristes exemples irakien et libyen prouvent qu’un changement de régime dû à une croisade occidentale n’instaure pas toujours la démocratie. Enfin, rappelons qu’en soutenant les opposants à Khamenei, Netanyahou cherche surtout à diviser pour mieux régner, à s’entourer d’Etats arabes affaiblis, donc plus dociles, qui le laissent effacer l’identité palestinienne et réaliser le Grand Israël.
• Trump dépassé par son allié? S’il avait voulu freiner Netanyahou et continuer de discuter avec les Iraniens, il lui aurait suffi de suspendre ses ventes d’armes à Israël. Or, même avant qu’il intervienne directement (là aussi au mépris du droit international), il a déjà contribué largement à l’effort de guerre de son proxy israélien, parachevant ainsi leur contrôle commun sur le Moyen-Orient. Et après avoir attisé le feu, le voilà maintenant qui désirerait l’éteindre: le pyromane devenu pompier.
Bref, la désinformation fleurit, et reconnaissons que comme ils ont su infiltrer et neutraliser leurs adversaires, les Israéliens sont passés maîtres en la matière, forts de l’appui de certains médias occidentaux. Puissions-nous toutefois ne pas oublier ici que, selon la formule connue, la première victime d’une guerre reste la vérité.