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Exposition des enfants aux pesticides: vraiment banal?

A votre santé!

Comme l’a déjà démontré la littérature scientifique, les populations vivant à proximité de terres agricoles sont exposées aux pesticides de diverses manières: par dispersion aérienne, éventuellement par des résidus ramenés sur les vêtements, ou encore via la nourriture qu’elles consomment. On sait aussi que cette exposition peut affecter l’appareil respiratoire (il n’y a qu’à voir comment les ouvriers viticoles «se harnachent» pour pulvériser ces produits). Des études menées à l’étranger ont montré que les produits phytosanitaires affectent en particulier des groupes de personnes vulnérables, comme les enfants.

En Suisse, quelque 200 pesticides différents sont vendus à des fins agricoles. C’est moins qu’il y a quelques années – peut-être en lien avec une prise de conscience des milieux concernés –, mais il y en a de nouveaux qui apparaissent sur le marché. Leur utilisation reste très répandue et l’on observe que les volontés politiques pour trouver des alternatives s’effacent devant la «nécessité» de produire plus, sous des prétextes géopolitiques. A noter que, chez nous, les vignobles et les vergers sont les plus gros consommateurs de pesticides, avec environ 25 kg par hectare et par an, selon les données officielles.

Une récente étude1> «Exposition aux pesticides par l’air et santé respiratoire des écoliers en Valais (PARVAL)», www.swisstph.ch/fr/projects/parval réalisée en Valais, commandée par le canton, est un peu passée sous les radars médiatiques. Si elle laisse encore beaucoup de questions en suspens – ce qui est normal pour de telles investigations –, elle fournit des observations qui doivent nous interpeller. Elle a été menée dans trois villages de la plaine du Rhône valaisanne, via des mesures effectuées une fois en janvier, au moment de la «pause» hivernale agricole, puis trois fois entre avril et juin, au moment de la plus forte utilisation de pesticides. Elle a ciblé des enfants d’âge scolaire, qui ont porté pendant une semaine, à quatre reprises, des bracelets permettant d’enregistrer leur exposition aérienne aux pesticides. Par ailleurs, leur urine a été recueillie à la fin de chaque semaine-test. Ces échantillons ont ensuite été analysés à la recherche de pesticides (fongicides, herbicides, insecticides).

On apprend que des pesticides ont été détectés dans les bracelets de tous les enfants au cours d’au moins une période. Sur les 81 pesticides testés, 36 ont été trouvés dans les bracelets individuels au moins une fois. Les fongicides représentent les pesticides les plus fréquemment détectés au total, suivis par les herbicides. Les insecticides sont les moins détectés. Un lien direct a pu être établi entre ces résultats et l’utilisation locale des divers types de pesticides dans les cultures – d’autant que le nombre de pesticides détectés dans les bracelets est passé de 18 lors de l’évaluation de référence, en janvier, à 29 au cours de la dernière période, en juin. Plus inquiétant encore, certains pesticides, interdits en Suisse depuis plusieurs années en raison de leur possible atteinte à la santé, ont été retrouvés sur les bracelets. Par ailleurs, des biomarqueurs urinaires de pesticides ont été détectés dans l’urine de tous les enfants au cours d’au moins une évaluation.

Si, comme le souligne l’étude, les enfants n’ont fort heureusement pas présenté de symptômes respiratoires graves, il reste que le nombre d’enfants symptomatiques a passé de 10% à 20% entre la période hivernale (où pourtant les enfants développent habituellement plus d’infections respiratoires banales) et la période de haute pulvérisation de pesticides (période printanière où habituellement les enfants sont moins symptomatiques qu’en hiver).

Alors titrer, comme l’ont fait la RTS ainsi que la plupart des médias 2> Dont Le Courrier… Voir notre édition du 4 juin, ndlr., «une étude plutôt rassurante» me parait bien léger. Savoir que nos enfants sont exposés aux pesticides – car il n’y a pas de raison que cela soit très différent dans ma commune d’Aigle, par exemple – devrait nous alarmer et nous pousser à chercher et mettre en place des alternatives de production agricole au plus vite.

Cela devrait aussi nous conduire à poursuivre et approfondir l’étude valaisanne au niveau suisse et européen, comme cette dernière le suggère fortement dans sa conclusion.

Notes[+]

Bernard Borel est pédiatre FTMH, conseiller communal à Aigle.

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