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Le Courrier L'essentiel, autrement

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Résister à la vague populiste

Face à la progression et à l’ancrage des droites extrêmes et populistes en Europe et ailleurs, «le «camp humaniste peine à trouver la recette», selon René Longet, qui émet une série de pistes.
Réflexion

Les élections se succèdent et ne se ressemblent pas. En Roumanie, alors qu’on craignait un raz de marée national-populiste, c’est un proeuropéen, Nicusor Dan, qui a été élu président, et pas du bout des lèvres – 53,6% des suffrages.

Comme en Moldavie voisine, où l’europhile Maia Sandu a été reconduite à la présidence avec 55,35% des voix. En Pologne, c’est le mouvement inverse qui s’est produit, avec la victoire sur le fil de l’ultraconservateur Karol Nawrocki (50,9%), qui reflète les divisions du pays selon le niveau de formation, le lieu où on habite (ville-campagne, est-ouest) et le degré d’adhésion à l’ordre moral traditionnel.

Face à la déferlante populiste, il s’agit de répondre à l’angoisse de la perte de son statut et de ses repères, au rejet viscéral de la transition écologique et de l’étranger, à l’appel à une protection forte. Rassurer sans devenir populiste à son tour, donner du sens; assurer toutes et tous de sa considération. Car au bout du populisme se trouvent le règne du plus fort, du mensonge, de l’intolérance, une conflictualité permanente et une attitude dominatrice associant sexisme, racisme et anthropocentrisme.
National-populisme ou humanisme: ce choix existentiel se joue aujourd’hui, parfois à quelques voix près. Mais le camp humaniste peine à trouver la recette pour répondre aux besoins de valeurs et de leadership. Quelques pistes argumentaires pour tenter de faire bouger les lignes.

• Nationalisme: souligner qu’on peut aimer son pays et ses particularités sans être dans le rejet des autres, et qu’un certain nombre de sujets clés exigent une concertation internationale forte: changement climatique, état des océans, migration, flux financiers, cadrage écologique et social de la mondialisation… Face à la promotion d’une identité immuable et d’une seule pièce, rappeler qu’en la plupart d’entre nous cohabitent des origines diverses, qui sont l’expression d’une humanité kaléidoscopique, aux besoins de base identiques. Identifier l’intégration européenne comme le moyen d’exister dans un monde imprévisible.

• Attraction pour l’autoritarisme: rappeler que les «hommes forts» ne sont ni plus efficaces et ni, surtout, plus intègres que le personnel politique traditionnel et que, une fois installés, commence une prise en main de la justice et des médias qui rend les situations difficilement réversibles: on le voit en Hongrie, en Pologne, en Turquie. Au bout du compte, le pouvoir se concentre entre quelques mains et l’arbitraire règne en maître.

• Transition écologique: expliquer, lorsqu’il faut par exemple développer des préconisations en matière d’alimentation ou de mobilité, qu’elles sont l’expression directe de faits scientifiques et rien d’autre. Rappeler que l’évolution de nos rapports à la nature est essentielle pour maintenir les bases de notre existence et que personne ne sera à l’abri des crises écologiques. Relever les perspectives de la transition en termes d’emplois utiles, décentralisés et pérennes.

• Migrations: rappeler que l’humanité a toujours migré et que ce n’est facile pour personne. Définir une politique migratoire et d’intégration claire. Réclamer l’universalité des droits humains ainsi que des projets de développement offrant aux populations un avenir digne au pays. Relever que lorsque des descendants d’immigrés comme Rishi Sunak, l’ancien premier ministre britannique, ou Donald Trump dénoncent la migration, on atteint le sommet de l’incohérence.

• Inégalités: démontrer que les populistes n’agissent pas pour le «peuple» qu’ils prétendent représenter, mais surtout pour les catégories favorisées. La critique des riches fait partie de leur discours alors que des grandes fortunes soutiennent, directement ou à travers des médias en leurs mains, ces formations politiques; se battre de manière visible et mobilisatrice pour l’égalité des chances et des droits, la justice fiscale et sociale, la couverture des risques maladie, vieillesse, accidents… tout en demandant à chaque personne de s’impliquer pour la société et autrui. Garder en mémoire que l’«ouverture» économique est perçue comme une menace par de nombreuses personnes fragilisées et s’engager pour une économie de l’utilité, de l’inclusion et du bien commun.

Mais le dialogue interpersonnel ne suffira pas pour que l’humanisme reprenne des couleurs. Il incombe aux dirigeant·es de contribuer par des mesures systémiques à réduire la méfiance, à faire retomber les polémiques, la colère et le ressenti de pas être pris en considération.

* Expert en développement durable, ancien élu PS/GE.