Puisque le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) nous avait refusé en 2020 l’entrée au Centre fédéral d’asile fribourgeois de Giffers, nous avions installé une permanence devant le site du CFA afin d’entrer en contact avec ses habitant·es. Voici ce que nous avons découvert:
• Alimentation: Dans les CFA, il n’y a pas d’espace où les requérant·es d’asile peuvent cuisiner. Des plateaux-repas sont servis à heures fixes et la nourriture est souvent mauvaise. Cela pose problème aux plus petits: plusieurs parents constatent une perte de poids chez leurs enfants après leur arrivée au centre. Ils achètent alors de la nourriture pour leurs enfants, mais sont obligés de la cacher dehors, à proximité du CFA, car il est interdit d’y faire entrer des aliments.
• Sanctions: Les retards en fin de journée sont punis par l’impossibilité de rejoindre sa chambre et l’obligation de dormir sur un banc dans le sas d’entrée.
• Fouilles corporelles: A chaque entrée et sortie du centre, et de manière impromptue dans les chambres, les fouilles corporelles sont quotidiennes. Cela concerne toute personne dès l’âge de 12 ans.
• «Pénalités»: Si le règlement n’est pas respecté à la lettre, le ou la requérant·e reçoit une «pénalité» qui n’est jamais notifiée par écrit. Elle consiste à prélever 3 francs sur les 21 francs hebdomadaires alloués aux résident·es. Après quelques jours, certain·es n’ont plus un sou pour le reste de la semaine. La «pénalité» peut alors se transformer en interdiction de sortir du centre pendant un ou plusieurs jours.
En mai 2020, à Giffers, quatre requérants ont déposé plainte contre les agents de sécurité, après avoir subi des coups et blessures: section de tendons menant à une intervention chirurgicale, strangulation déclenchant une crise d’épilepsie, etc. L’un des plaignants a marché pendant plusieurs mois avec des béquilles, un autre nous a montré des photos de son visage en sang. Tous ont été bouleversés par les insultes qui ont accompagné les coups.
Adam1>Prénom d’empruntraconte: «J’ai eu le Covid. A mon retour de l’hôpital, des agents Protectas discutaient dans la loge d’entrée. Après trente minutes, j’ai toqué à la vitre et j’ai demandé qu’on me fouille, comme c’est l’habitude dans ce CFA, pour que je puisse rejoindre ma chambre, parce que je me sentais encore faible. Alors un Protectas est sorti de la loge et m’a frappé à la tête, dans le ventre et au genou pour m’expulser du centre. C’est seulement grâce à l’aide d’un ami que j’ai pu marcher jusqu’au bus pour arriver à l’hôpital de Fribourg. Là, je me suis évanoui.»
La justice est lente pour tou·tes, mais pour les requérant·es, elle semble impossible à atteindre. Cinq ans plus tard, les suites judiciaires données à cette agression sont au point mort. Trois des plaignants ont quitté la Suisse, un seul est encore ici. La route est libre pour des agents violents ou racistes.
En février 2021, au CFA de Boudry (NE), un jeune de 17 ans s’est fait malmener par d’autres résidents du fait de son homosexualité. Les agents de sécurité l’ont enfermé dans une cabine de chantier, qu’ils appelaient «le cachot». Cette cabine peut être chauffée en cas d’utilisation, mais le chauffage a été enclenché trop tardivement durant cette nuit du 13 février 2021 où la température ne dépassait pas les – 4°C. La victime en hypothermie s’est effondrée et s’est mise à convulser. On a dû l’hospitaliser. Cette fois-là, les agents seront condamnés par la justice.
Dans les CFA de Boudry, Vallorbe, Bâle et Altstätten, des faits similaires sont relatés. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure d’asile et l’ouverture des CFA, en 2019, de nombreux cas de violence ont été dénoncés et documentés par des associations et dans les médias (Amnesty International, RTS Temps Présent). Le système des CFA est fondé sur la répression et l’isolement. Les sommes allouées par la Confédération à la «sécurité» dans les CFA sont supérieures à celles dédiées à l’encadrement social et sanitaire. Ça veut tout dire.
Non au CFA!
Notes